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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/409

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Lorsque l’État intervient sous la forme de son Université, s’efforce-t-il de développer chez ses élèves l’énergie et la bravoure ? Hélas ! non… L’instituteur, comme le professeur, sont actuellement pénétrés, par ordre, des idées de paix, d’humanité et de fraternité internationales. Sont-ce là des dispositions préparatoires au combat ? Chez les recrues qu’un tel enseignement lui prépare, l’armée doit donc s’attendre à trouver des dispositions morales de jour en jour plus réfractaires à ses principes, comme aux conditions nécessaires à son existence, telles que la discipline et le dévouement.


Ainsi l’orientation nouvelle de l’enseignement primaire apparaissait expressément à M. le général de Négrier comme incompatible avec la formation du moral des troupes : l’école rendait difficile l’œuvre de la caserne. Un général qui jadis avait glorieusement aidé le gouvernement de Jules Ferry dans son œuvre de patriotique expansion donnait à comprendre que l’enseignement primaire créé par Jules Ferry avait cessé de servir la France.

Mais parmi l’épaisse fumée d’un pacifisme rêveur, discerne-t-on la voix d’un général ? Une autre voix surgit en avril, qu’on eut plus de mal à étouffer. M. Goblet prit la parole : dans cette école primaire telle que la révélait M. Bocquillon, il ne reconnaissait plus l’école qu’il avait voulu donner à la France. Il écrivit pour le livre : La crise du patriotisme, une préface anxieuse ; la « propagande poursuivie par de nombreuses revues pédagogiques, » le « patronage sans réserves accordé au pacifisme par certains hauts fonctionnaires de l’enseignement » lui firent l’effet d’un « inconcevable renversement de toutes les traditions républicaines. »

« Que tous ceux qui ne veulent pas que la France succombe réagissent au plus tôt : il en est temps. » Ainsi s’achevait l’appel de M. Goblet. Quelques épaules de pacifistes se haussèrent, mais beaucoup de cœurs vibrèrent ; et, brusquement, la vibration devint douloureuse. Car des nuages soudains, parmi lesquels l’arc-en-ciel semble tarder à luire, s’amoncelaient sous les yeux de la France… Lorsque M. le général de Négrier et M. Goblet disaient leurs alarmes, ils ne pressentaient pas la proximité de ces, nuages. L’écho de leurs paroles, qui durait, se répercuta dans nos âmes, en notes graves, pénétrantes, et qui semblaient y trembler ; mais connaître notre mal, n’était-ce point déjà posséder le remède ?

Nous connaissons maintenant notre mal. Les revues