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C’est pourquoi, fou de colère,
Vers un récif séculaire,
Par momens
Dirigeant les pêcheurs blêmes,
Tu te grises de blasphèmes
Véhémens.

C’est pourquoi haineux, farouche,
Afin que la barque touche
Aux écueils,
Voilant de brume les astres,
Tu complètes les désastres
Par les deuils.

Et, saturant d’acres baves
Les cadavres, les épaves,
C’est pourquoi
Traduite en plaintes funèbres,
Toute l’horreur des ténèbres
Vibre en toi !


AU BORD DES FLOTS


Grave cette heure unique en ta morne pensée,
Poète, dont la vie est par tous offensée.
Laisse ton rêve au gré d’un souffle errer encor
Et, tel que la mouette au fatidique essor
D’un vol souple effleurant les écumes marines,
Toi dont un vent léger dilate les narines,
Accompagne d’élans désormais superflus
Le rythme fabuleux du flux et du reflux.
Savoure l’heure unique et trop vite envolée,
Poète, dont la joue est de larmes brûlée,
Comme si l’acre encens qui parfume la mer
A tes vains pleurs avait mêlé son sel amer.
Sur l’Océan paisible une lumière rose
Caresse les rocs noirs que chaque lame arrose.
L’or du soir dans l’ardent brasier des eaux se fond
Les blancheurs que très loin les frêles voiles font