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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/454

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que la critique est paresseuse et ne se soucie pas de sortir de l’ornière des opinions reçues ; les professeurs sont routiniers et facilement prévenus en faveur des doctrines d’où dépend leur avancement. Et voilà comment les écrivains du XVIIe siècle occupent, encore aujourd’hui, une place importante dans les histoires de la littérature et figurent même aux programmes de l’enseignement… Scandale intolérable ! Mais un homme est venu pour le dénoncer.

Il s’appelle M. Dreyfus-Brisac[1]. Il réunit en lui la double qualité de poète et de compilateur. Il est poète, et s’en excuse

dans ce siècle pratique
Où règne l’ascenseur et la rapidité
Avec le téléphone et l’électricité.

Il se rend bien compte qu’il parle, en dépit de la mode, un langage dont nous sommes désaccoutumés, et se demande à lui-même plaisamment :

Pour pérorer ainsi devant le monde entier
Etes-vous président d’une ligue ou portier ?

Il n’est ni l’un ni l’autre ; il n’en est pas moins homme ; et comment résister aux agaceries de la « folle du logis ? » Le vers a d’ailleurs ses avantages : il permet de dire les choses d’une façon plus agréable, avec plus de finesse et de fantaisie. Au lieu de répéter platement que Bossuet a été le créateur de l’oraison funèbre, un poète dira :

Bénigne a trouvé l’oraison,
Un soir de Noël, sous son chausson ;

et quand il en viendra à traiter, comme il le mérite,

L’âne pédant nommé Boileau,

cet âne qui est encore un « Zoïle, » un u corsaire, » un « pion » et un « policier, » il saura résumer son impression dans cette spirituelle boutade :

Le sieur commence à me scier.

Mais ce ne sont là que les bagatelles de la porte. Dans un siècle où règnent « l’ascenseur et la rapidité, » on ne peut s’attarder aux

  1. Edmond Dreyfus-Brisac, ancien rédacteur en chef de la Revue internationale de l’Enseignement : Études littéraires comparées, I. Les Classiques imitateurs de Ronsard, 1 vol. in-12, Calmann-Lévy ; II. Un faux classique, Nicolas Boileau, 1 vol. in-12, Calmann-Lévy ; III. La Clef des Maximes de La Rochefoucauld, 1 vol. in-12, chez l’auteur ; IV. Plagiats et réminiscences, ou le Jardin de Racine, ibid.