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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/578

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Belfort, il aborda la question de l’importance stratégique de la place, et en mit en relief, avec une lumineuse précision, les points essentiels. Il y avait quelque mérite, alors, à dégager les vérités de principe que comportait le sujet, et à en faire l’application à la place, objet de la discussion, sans rien hasarder qu’un professionnel expérimenté ne pût approuver.

On jugera, par l’énoncé de quelques-unes de ces vérités, jusqu’à quel point fut décisive l’argumentation de M. Thiers en faveur de la rétrocession de Belfort : « Il faut distinguer entre une place qui n’est que place, et celle qui, étant frontière, rend la frontière encore plus solide. — Belfort est plus qu’une place, c’est un camp retranché qui peut abriter 100 000 hommes. — Lorsqu’on n’a pas Strasbourg, il faut avoir Belfort. — Si l’on veut défendre toute la ligne qui s’étend du Ballon d’Alsace jusqu’au Jura, il faut être maître de cette petite vallée qui s’appelle la vallée de Giromagny. C’est là le point vraiment important. — On nous dit que donner le rayon de 7 kilomètres, c’est assez, et que nous pourrions toujours nous garder contre les ouvrages qu’on élèvera autour de la place, mais, par là, nous ne sommes pas reliés au Ballon d’Alsace ; on peut passer par notre gauche, tourner Belfort, rejoindre la route qui, par le Ballon d’Alsace, descend en Lorraine sur les frontières. »

M. Thiers donna pour complément à ces incontestables vérités les prévisions suivantes dont la justesse est pleinement démontrée par l’organisation défensive actuelle de la place : « Il est nécessaire que nous conservions tous ces terrains (les terrains que les Allemands offraient de rétrocéder), car ce n’est pas la place seule de Belfort qu’il faudra fortifier ; il faudra occuper les passages supérieurs, y créer des ouvrages extérieurs, des ouvrages fermés qui seront les dépendances de cette place, qui concourront avec elle à compléter la barrière de la France contre l’Allemagne. Il y aura là des dépenses à faire, mais la sécurité de la France en vaut la peine. Ainsi, avec les terrains qui nous sont concédés, nous pouvons fermer la route complètement, nous rattacher au Ballon d’Alsace, et faire de Belfort une des places les plus importantes de l’Europe, tandis que sans ces terrains Belfort devient une place comme une autre. »

Sur le point particulier concernant le Grand-Duché de Luxembourg, M. Thiers se prononça en ces termes : « Je nie absolument que nous ayons autre chose qu’un intérêt politique