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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/597

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peu remonté, je crains encore des défaillances, aussi je profite avec rage de la bonne veine…

Adieu, je vous embrasse et vous embrasse de cœur.

EUGENE. »


Eugène s’est donc mis au travail sérieusement. Il dessine et sa toile de Vaugoin est « en assez bon train. » Mais la vie claustrale qu’il mène à Saint-Maurice, l’enfonçant dans un, passé douloureux, l’attriste. « Pourquoi ne puis-je vous dire, mon ami [à Bataillard, 29 septembre], les émotions que me cause ce retour périodique de mes chers souvenirs d’automne ? Je ne suis pas mort pour la rêverie, je sens que si je m’y laissais aller elle me consumerait… »

Le lendemain, il encourage cependant du Mesnil dont on répétait un drame à l’Odéon : « Quand nous sentons que le temps est venu pour le monde de nous demander nos preuves, c’est que nous sommes à peu près disposés à les donner… »


A Armand du Mesnil.


Saint-Maurice, 30 septembre 1844.

… Ce passage de la jeunesse à la maturité n’est pas un fait si simple qu’il puisse s’accomplir en un jour ni en une année. Chez les gens positifs, attelés de bonne heure aux fonctions pratiques, chez les négocians, les employés, les clercs d’avoués ou de notaires, ce passage a lieu tout naturellement à des époques marquées d’avance et invariables qui sont : le terme de la cléricature ou du surnumérariat, le mariage, l’achat d’une étude, l’admission à des emplois salariés. Comme leur existence (je parle de la plupart) est toute extérieure, toute sociale, leur jeunesse et leur maturité dépendent de circonstances précises et se reconnaissent à des signes très palpables. Quand un jeune homme commence à se raser périodiquement, dans le monde on prétend qu’il se fait homme : ce qui ne l’empêche pas de rester enfant, ou plutôt de rester neutre toute sa vie.

Mais nous autres qui, nous pouvons l’avouer sans présomption, prétendons à une puberté plus complète, à celle de l’âme, ce n’est qu’après de longues angoisses, après des hésitations douloureuses et des transformations bien lentes que nous la