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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/630

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devinrent pour Julien les vrais auteurs sacrés. Avant de croire aux dieux d’Homère, il fut d’instinct de la religion homérique. Au lieu que quand il croyait encore par habitude au christianisme, il ne se sentit jamais fils de la Bible et de l’Évangile. »

Cette éducation, il faut le remarquer en passant, était toute grecque. De Julien entièrement romain par ses origines, le hasard de la transplantation et de l’enseignement firent au point de vue de l’esprit un hellène pur. Les membres du patriciat romain, si peu nombreux, qui avaient suivi Constantin en Orient, s’étaient trouvés baignés dans un milieu de culture forte et originale. Les Grecs se considéraient avec raison comme les initiateurs de toute littérature ; ils négligeaient d’enseigner la langue latine, fille de la leur, et formaient l’esprit de leurs élèves, par la seule étude de leurs écrivains nationaux, sans l’aide des auteurs latins, qui n’étaient à leurs yeux que des disciples. Tandis qu’Homère, Hésiode, Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristote, Platon, étaient admirés en Occident où toute éducation complète embrassait l’étude des deux langues, Cicéron, Virgile, Ovide, Plaute, Térence, étaient, sinon complètement inconnus, du moins dédaignés, en Orient. Julien comme orateur ne cite jamais que Démosthène. Il semble ignorer que Rome ait eu aussi ses tribuns. S’il avait lu Virgile, on n’en relève dans ses écrits aucune citation. Par une autre singularité, lui l’empereur romain qui ne verra jamais Rome, il paraît avoir eu de l’histoire romaine une connaissance très imparfaite. L’ancienne Grèce est à la fois son école d’héroïsme et son école d’enthousiasme : c’est Hérodote, Xénophon, Plutarque, non Tacite, Tite-Live, Salluste qui lui enseigneront la guerre et la politique. Il est vrai qu’au moment où Mardonius l’instruisait, les trois fils de Constantin étaient encore vivans, et que l’idée qu’il dût être empereur un jour n’effleurait jamais l’esprit de son entourage. Seul Constance entrevoyait avec crainte cette possibilité. Il avait déjà eu à déjouer plus d’une conspiration, et les deux fils grandissans de Jules-Constance devenaient à ses yeux une menace que le remords rendait encore plus effrayante. Julien avait douze ou treize ans, lorsque l’exil vint s’ajouter pour lui à la disgrâce. Eusèbe de Nicomédie était mort en 342. On ne savait que faire de son élève resté sans direction ; Gallus qui étudiait alors à Ephèse, qui avait dix-huit ans et était d’une nature remuante, paraissait sans doute plus embarrassant encore. Constance régla leur sort en même