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d’ailleurs, les laissez-passer avec précaution, en évitant de leur mieux la souillure du contact des « parias blancs » et en mettant leur amour-propre, leur orgueil, à sortir, avec une mentalité indienne bien vierge, de ces diaboliques officines. Comme, d’autre part, l’Hindou est fort intelligent, le résultat que produiront sur lui ces enseignemens supérieur et secondaire sera de diminuer considérablement son respect pour ses maîtres et de le rendre plus habile à défendre son ancestrale féodalité théocratique. « Les indigènes instruits, avoue franchement Macaulay, gardent leurs instincts. Ils ont des journaux rédigés en excellent anglais, mais où les idées hindoues sont exprimées sous une forme déloyale (sic). » Lord Dufferin déclare, de son côté, que « sur une population de 250 millions d’individus, il ne s’en trouve que quelques millions qu’on puisse considérer comme ayant notion des idées occidentales. »

Cela est bien vrai des hommes et combien davantage des femmes ! L’Hindou tient, en effet, pour sacrilège l’instruction donnée aux filles. Prétendre que la destinée du sexe aimable ne se borne pas à assurer la perpétuité de l’espèce, et, par-là, le culte des ancêtres, soutenir que l’épouse, la mère, ne sont point les servantes-nées de leurs maris et de leurs fils, c’est, à son avis, proférer autant de blasphèmes. On aura beau multiplier les ligues et les sociétés d’encouragement scolaires, les petites filles hindoues conserveront la pureté de leur ignorance, les parens se garderont de mettre entre leurs mains le stylet de fer des lettrés et le paquet d’elles qui servent, là-bas, de fourniture de bureau.

Notons, cependant, à l’actif du département de l’Instruction publique, les écoles spéciales qui forment les native surgeons (médecins indigènes). Ces officiers de santé ne manquent pas de savoir, — quelques-uns même sont fort habiles, — et rendent de très appréciables services.

Les Travaux publics sont remarquables par la grandeur de la conception et la perfection dans l’exécution. Les ingénieurs qui ont passé par le Royal Indian Enginery College de Cooper’s hill, composent un corps de savans fort distingués. On peut, sans exagération, affirmer que les ingénieurs anglais ont créé dans l’Inde une œuvre digne de la plus grande admiration, et que tels de leurs travaux d’art méritent d’être cités parmi les plus beaux du monde. Si jamais la Grande-Bretagne est dépossédée