Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/779

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sinon de doctrines, ardent et inquiet tout ensemble, esprit peu discipliné et tumultueux, supportait mal la contradiction, et plus mal encore les trop longues attentes. Sa vocation, d’ailleurs, avait été tardive et peu sûre. « Je leur ferai voir, s’écriait-il un jour, je leur ferai voir ce que c’est qu’un prêtre ! » Hélas ! il n’a pas su le faire voir jusqu’au bout ; et le mot conviendrait infiniment mieux à M. Vuarin. Celui-ci fut profondément attristé de la rupture de son ami avec Rome ; et il fit tout au monde pour le retenir à ses côtés. Un moment, il crut avoir réussi. Lamennais, on le sait, avait fini par se soumettre à l’Encyclique Mirari vos, et Grégoire XVI, à ce propos, adressait au curé de Genève, le 12 mars 1834, le bref que voici :

« Cher fils, plus notre douleur avait été grande de voir un homme éminent par le génie, Félix de Lamennais, ne point accorder à nos lettres adressées à tous les évêques l’obéissance qui leur est due, plus notre joie a été vive, lorsque, revenu à des sentimens meilleurs, il nous a promis, ce bien-aimé fils, de ne rien écrire de contraire à la doctrine qu’elles contiennent. Aussi, nous sommes-nous empressé de le féliciter de sa louable soumission. Nous ne pouvons pas omettre non plus de vous exprimer notre satisfaction à vous, cher fils, qui, à raison de votre ancienne amitié avec cet homme illustre, n’avez rien négligé pour l’amener à céder enfin à nos justes désirs, et à ce qu’il doit à cette chaire de Saint-Pierre, colonne et fondement de la vérité. »

On verra plus tard comment se terminèrent les relations entre Lamennais et M. Vuarin. Elles avaient commencé en 1819. Durant un séjour qu’il avait fait à Paris, le curé de Genève avait voulu faire la connaissance personnelle de l’auteur de l’Essai sur l’Indifférence. Ne l’ayant pas trouvé, il lui avait écrit, et Lamennais lui répondit par la première des lettres qui vont suivre.

1819


A la Chênaie, le 26 juillet 1819.

Je regrette beaucoup, Monsieur, de m’être trouvé absent de Paris pendant le séjour que vous y avez fait. J’aurais été heureux de vous connaître personnellement, et de vous témoigner toute mon admiration pour le zèle si rare qui vous anime. La lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire me fait mieux sentir