Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/801

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


A la Chênaie, le 2 octobre 1825.

Je suis surpris, mon cher ami, que vous n’ayez point reçu ma réponse à votre dernière lettre, adressée (je dis ma réponse) par la Grande Aumônerie. La difficulté de s’écrire sûrement n’est pas une médiocre contrariété. J’espère que cette lettre vous parviendra avant votre départ de G[enève]. J’y en joins une pour notre bon archevêque[1], à qui je vous prie de la faire passer après l’avoir lue et cachetée. J’avais chargé l’abbé Botrel[2] de faire porter à l’ambassade de Sardaigne le paquet pour M. de Vignet[3] dont il est question. Il contenait des lettres assez importantes. Tâchez, vous qui savez tout, d’en avoir des nouvelles.

Il me sera impossible d’aller à Paris ce mois-ci, ni même le suivant, quelque envie que j’aie de vous voir. Seriez-vous homme à faire le voyage de Bretagne ? Il ne faut que trois jours pour venir ; c’est peu pour vous. M. de Senfft me presse vivement d’aller en janvier le rejoindre à Turin. Toute la famille le désire ; mais ma position est bien embarrassée et bien difficile, et tellement que je ne puis rien prévoir. Je vous priais dans ma dernière lettre de faire acquitter soixante-douze messes. Je vous ai fait adresser, ainsi qu’à l’archevêque de Gênes, un exemplaire du Catéchisme du sens commun, par M. Rohrbacher[4] au sujet de l’auteur des Crimes de la presse : cette brochure est d’une espèce de fou, nommé Madrolle[5], avocat et Bourguignon, qu’on croit avoir quelques liaisons avec le ministère, quoiqu’ils se désavouent réciproquement ; et en cela ils ont tous deux raison.

Adieu, mon bon et cher ami ; ma santé est toujours

  1. L’archevêque de Gênes, Mgr Lambruschini, qui fut nonce à Paris et devint cardinal.
  2. L’abbé Botrel servait d’intermédiaire à Lamennais et à ses correspondans. Il était attaché à la Grande Aumônerie : de là le cachet que l’on trouve sur l’original de cette lettre et sur plusieurs autres.
  3. Attaché à l’ambassade de Sardaigne à Paris.
  4. . C’est un excellent petit livre. J’avais oublié de répondre à ce que vous me demandiez Un des disciples et collaborateurs de Lamennais (1789-1856), auteur d’une volumineuse et assez médiocre Histoire de l’Église.
  5. Antoine Madrolle (1792-1861), collaborateur du Conservateur et de la Gazette de France. Il écrivit de bonne heure et longtemps contre Lamennais. Catholique fougueux jusqu’alors, il fit volte-face en 1848 et s’attacha aux doctrines, ainsi qu’à la personne de Michel Vintras, en faveur de qui il rédigea l’Almanach de Dieu.