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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/805

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dernier travail. J’ai cru qu’il fallait fermer les yeux à toute considération humaine, ne voir que Dieu, et dire toute la vérité, sans craindre ceux qui ne peuvent tuer que le corps. On me mande de Paris que la rage des ennemis de la religion est au comble. Leur triomphe politique qui ne saurait être fort éloigné, sera le signal d’une persécution ; les autres en préparent les voies, et tout sera mûr pour l’œuvre quand l’enfer donnera ses derniers ordres. Faites connaître ce qui se passe, car je doute fort qu’on le sache exactement. La faiblesse perd tout. On attend, on attend, et que vient-il ? nous le voyons. Oh ! si l’on savait user de sa force ! Mais j’en dirais trop là-dessus. Adieu, mon très cher ami, je vous embrasse ex toto corde et animo.

F. M.


Le cataclysme, que Lamennais ne cessait de prévoir et de prédire avec ce geste et cet accent de prophète qui lui sont si familiers, devait attendre quatre années encore avant d’éclater. Nous verrons à travers les lettres des deux amis, — on n’a conservé aucune lettre de M. Vuarin à Lamennais avant 1826, — la divergence croissante d’attitude que les événemens de 1830 vont finir par provoquer entre eux. Jusqu’ici, la communion d’idées et d’aspirations, la confiance et l’affection réciproques sont entières, et elles ne laissent pas, sous la plume de Lamennais, de revêtir une expression parfois bien touchante. Au fond, ce lutteur indomptable, ce polémiste exalté était un tendre. Léon XII l’avait bien jugé. Dans une des entrevues qu’il eût à Rome avec M. Vuarin, c’est au curé de Genève, précisément, qu’il dit cette curieuse parole qu’un ami de Lamennais, M. Houet, nous a heureusement conservée, et qui me paraît la vérité même : « C’est un homme qu’il faut conduire avec la main dans le cœur. »


VICTOR GIRAUD.