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7 mai 1885, prévoyant peut-être l’éventualité de complications politiques entre la Russie et l’Angleterre, éprouvait le besoin d’en commenter, à la Chambre des lords, le sens et la portée : « L’objet de la déclaration faite par lui à Berlin, expliqua-t-il, a été d’établir en principe que les engagemens de l’Angleterre, relativement aux Dardanelles, n’étaient pas des engagemens d’un caractère général européen ou international, mais des engagemens envers le Sultan. La portée de cette réserve visait l’éventualité où, dans des circonstances quelconques, le Sultan n’agirait pas avec son indépendance, mais sous la pression d’une autre puissance, auquel cas l’Angleterre n’aurait aucune obligation internationale de s’abstenir de passer à travers les Dardanelles[1]. » En cas de guerre entre elle et la Russie, l’Angleterre tient à pouvoir faire pénétrer sa flotte dans la Mer-Noire sans fournir aux autres puissances un droit ou un prétexte d’intervention ; elle veut être libre de frapper la Russie, comme en 1855, en son seul point vulnérable : la Crimée, Odessa, Sébastopol. Voilà le sens vrai des paroles de lord Salisbury.

Le gouvernement de Saint-Pétersbourg, de son côté, a eu l’occasion, à la fin de 1895, de s’expliquer sur l’interprétation adoptée à Berlin par le comte Schouvalof et d’affirmer qu’il s’y tenait : « Ces dispositions, a-t-il dit, constituent une garantie précieuse pour l’Empire russe, bien qu’elles soient un obstacle à la sortie de l’Euxin des bâtimens de guerre russes ; elles constituent un obstacle équivalent à l’entrée des vaisseaux étrangers dans la Mer-Noire et, par suite, sont une sauvegarde indirecte pour les côtes méridionales de l’Empire comme pour sa flotte de la Mer-Noire, peu importante et de création récente. D’un autre côté, le gouvernement impérial est d’avis qu’en temps de paix, des vaisseaux, allant en Extrême-Orient ou en revenant, avec des soldats russes ou des munitions de guerre, ont la liberté absolue de franchir les Dardanelles et qu’en temps de guerre, les cuirassés russes éprouveraient probablement peu de difficultés à forcer le passage des détroits si les intérêts de l’Empire obligeaient le gouvernement à avoir recours à cette extrémité. Le gouvernement impérial ne désire pas plus l’abrogation de la clause relative à l’entrée et à la sortie de la Mer-Noire qu’il ne désire l’arrivée d’événemens tels que la déposition du Sultan, la

  1. Archives diplomatiques, 1885, II, p. 364.