Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/884

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’armement américain peut se livrer à cette navigation sans avoir à tenir compte de la concurrence étrangère.

C’est dans ce domaine réservé qu’il s’est développé. Sur les 6 291 535 tonneaux de jauge que compte la marine marchande américaine, 898 768 seulement, soit environ un septième, sont affectés à la navigation de concurrence[1]. Le cabotage sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique emploie plus de trois millions de tonneaux ; la navigation sur les Grands-Lacs, plus de deux millions (2 019 208).

Au premier abord, il semble que cette navigation ne devrait pas être considérée comme maritime. Les Américains la font cependant figurer dans leurs statistiques avec la navigation de cabotage en raison de l’étendue immense des Grands-Lacs et de la dimension considérable des navires qui les parcourent. En consultant les relevés officiels de la flotte de commerce américaine[2], on est amené à constater que des vapeurs atteignant près de 7 000 tonneaux de jauge brute sont affectés au service des Lacs, et que le vapeur de 4 000 à 6 000 tonneaux représente pour cette navigation un type courant, correspondant à peu près à notre cargo-boat ordinaire dans la navigation maritime actuelle.

Les Américains sont donc susceptibles de créer une flotte marchande quand ils se trouvent à l’abri de la concurrence européenne. Leur armement au cabotage et sur les Grands-Lacs en fournit la preuve. Mais ce n’est pas tout. L’exemple des Grands-Lacs prouve également que la protection n’exerce pas sur eux l’effet déprimant qu’on lui reproche si souvent à juste titre. La navigation y est pratiquée d’une manière vraiment intelligente et progressive, et les opérations accessoires de chargement et de déchargement des marchandises s’exécutent avec une rapidité qui tient du prodige. La Commission a recueilli sur ce point de très intéressans témoignages. A Buffalo, un navire décharge dans une même journée 150 000 boisseaux de blé, charge 4 000 tonnes d’anthracite, et repart le soir même[3]. A Duluth, un navire arrivé dans la matinée avec 7 500 tonnes de

  1. Report of the Commissioner of Navigation, november 5, 1904, p. 362 et 363.
  2. Twenty-sixth Annual List of Merchant Vessels of the United States for the Year ending, june 30, 1904.
  3. Hearings, t. II, p. 708.