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ses meilleurs chevaux et ses voitures les mieux établies et affecterait à celui de son concurrent ses chevaux fourbus et ses voitures en mauvais état. Bientôt, le marchand n° 1 recevrait des réclamations de sa clientèle : certains articles seraient arrivés avariés ; d’autres ne pèseraient pas le poids indiqué ; d’autres même n’auraient pas été livrés du tout. Peu à peu, la clientèle abandonnerait le marchand n° 1 et s’adresserait au marchand n° 2 faisant ses livraisons lui-même[1]. » Voilà comment il peut être très coûteux, en fin de compte, d’obtenir des prix de fret peu élevés sur des navires étrangers. Le commerce national peut, au contraire, avoir avantage à payer des frets plus élevés à une marine marchande nationale servant ses intérêts.

Le problème a été envisagé par la plupart des déposans à l’enquête sous cet aspect large et général. « C’est une erreur, disait expressément l’un d’eux, de croire que les constructeurs et les armateurs soient seuls intéressés ici. Il n’y a pas un citoyen des Etats-Unis qui ne soit directement intéressé à l’existence d’une marine marchande nationale. Elle répond, en effet, à six besoins économiques et à deux nécessités politiques. Les six besoins économiques sont : 1 ° Garder aux États-Unis les sommes actuellement payées comme fret aux étrangers ; 2° fournir un débouché à notre main-d’œuvre américaine dans les chantiers ; 3e lui fournir un second débouché dans l’exploitation des navires ; 4° augmenter la consommation de nos produits ; 5° donner un nouveau débouché à notre métallurgie ; 6° augmenter notre commerce. Les deux nécessités politiques sont l’indépendance nationale et la défense nationale[2]. »

Aussi la Commission s’est-elle promptement résolue avenir au secours de la marine marchande américaine pour en provoquer le relèvement. Tout d’abord, elle s’est débarrassée de l’objection de principe élevée contre le système des primes. Quelques juristes ont rassuré sa conscience à cet égard ; surtout elle s’est sentie complètement à l’abri derrière l’autorité de Thomas Jefferson, le grand ancêtre du parti démocrate. Le 16 février 1792, le Congrès votait, sur la proposition de Jefferson, des primes aux navires pêcheurs de haute mer et à leurs équipages[3]. Et

  1. Report, p. 4.
  2. Hearings, t. II, p. 1149, Mémoire de M. Joseph D. Lee, secrétaire de la Chambre de commerce de Portland (Orégon).
  3. Report, p. 20.