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instructions judiciaires, et c’est assurément le minimum de ce qu’il pouvait faire. On lui aurait su gré d’un peu plus de prévoyance et d’énergie. Mais comment l’attendre de lui ? N’est-il pas composé de morceaux disparates qui obéissent à des tendances diverses ? Si quelques-uns de nos ministres ont la notion et l’expérience du gouvernement, n’en avons-nous pas quelques autres qui, roués tout entiers à la poursuite d’une popularité malsaine, y sacrifient les intérêts supérieurs du pays ? M. le ministre de la Guerre, en particulier, a fait beaucoup parler de lui depuis quelques jours. Quoi de plus naturel, dira-t-on, puisque les obligations de la défense nationale n’ont jamais été plus pressantes ? Tous les regards ne devaient-ils pas se tourner du côté de M. Berteaux ? Ils s’y sont tournés, en effet ; mais, au lieu de voir M. Berteaux appliqué silencieusement et activement aux devoirs de sa charge, on l’a vu s’abandonner à des démonstrations démagogiques, et on a découvert auprès de lui, dans son entourage à la fois officiel et intime, un démagogue de profession, artisan de grèves et d’émeutes, qu’il a investi de sa confiance et chargé de missions délicates. L’étonnement a été vif : le scandale l’a été plus encore.

Les journaux ont donné des détails si complets sur l’affaire de Longwy que nous pouvons en être très sobre. On sait qu’il y a quelques semaines, la grève de Longwy ayant, comme il arrive si souvent, dégénéré en désordres, un malheureux ouvrier, de nationalité belge, a été tué d’un coup de lance. C’est un malheur, certes, mais un de ces malheurs dont personne ne saurait être rendu nominalement responsable. M. Berteaux ne l’entendait pas ainsi. Au bleu de couvrir des officiers qui ont fait leur devoir de leur mieux, avec tristesse, mais avec fermeté, c’est parmi eux qu’il a cherché et trouvé des coupables. Il est allé à Longwy avec le parti pris de leur infliger des punitions qui ont paru tout à fait excessives quand elles n’étaient pas tout à fait injustes. La conscience publique a été indignée, et, si M. Berteaux a recueilli quelques applaudissemens, il ne doit pas s’en enorgueillir beaucoup. Frapper en haut pour faire plaisir en bas est une règle de conduite déjà fâcheuse dans la vie civile et politique : elle l’est encore bien plus dans la vie militaire. Cet incident, quelque pénible qu’il ait été, n’a pourtant pas produit tout l’effet qu’on en devait attendre, parce que la mise en scène dont M. Berteaux s’est entouré à Longwy a attiré et accaparé presque toute l’attention.

C’est ici qu’on voit paraître M. Maxence Roldes, auquel nous avons fait plus haut allusion. M. Roldes est un orateur de réunions