murmure un remerciement : « Je n’ai, en vérité, pas la force de tenir ma plume. Toutes mes facultés sont employées à souffrir. Je suis arrivée à ce terme de la vie où il est presque aussi douloureux de mourir que de vivre. Je crains trop la douleur ; les maux de mon âme ont épuisé toutes mes forces. Mon ami, soutenez-moi, mais ne souffrez pas, car cela deviendrait mon mal le plus sensible. »
Sa « sensibilité, » en effet, reste entière, et les bons procédés ne sont pas perdus pour son cœur. Un soir qu’elle est plus mal que de coutume, Guibert, deux fois dans la même nuit, fait prendre des nouvelles ; cet intérêt la touche aux larmes : « Mais cela est comme vous, sans mesure ! Envoyer la nuit deux fois ! Ah ! le meilleur et le plus léger de tous les hommes ! Oui, calmez-vous, je vous le répète, vous hâteriez mes maux ; les vôtres me font mal, bien mal. — Que je me calme, et vous mourez ! réplique-t-il hors de lui. Votre journée a été affreuse, votre nuit va être terrible… Voyez un médecin, prenez du lait, puisque vous avez le pressentiment qu’il peut vous soulager. Je renvoie chez vous, je veux savoir comment vous vous trouvez. Il sera onze heures et demie ou minuit quand votre réponse m’arrivera ; elle me trouvera éveillé et en larmes… Ah ! mon amie, que ne voyez-vous le fond de mon cœur ? Il vous toucherait, vous ne pourriez plus vous résoudre à mourir[1]. »
Ce funèbre dialogue se poursuivra jusqu’à la dernière heure. Les lettres sont d’ailleurs maintenant le seul lien qui subsiste entre eux, car, depuis la crise que j’ai dite, Julie n’a plus voulu que Guibert entrât dans sa chambre. Mme de La Ferté-Imbault nous apprend le motif de cette interdiction : les convulsions, dit-elle[2], avaient tordu et déplacé ses traits, défiguré entièrement son visage ; et, par une coquetterie touchante, elle répugnait à laisser cette image dans les yeux du seul homme dont le souvenir eût pour elle quelque prix. Au moins compense-t-elle cette rigueur par des billets fréquens, où elle donne cours à sa tendresse. Celui qu’elle écrivit dans l’après-midi du 11 mai devait, sans doute, dans sa pensée être l’adieu suprême ; il y règne une sérénité douce et sans amertume, où l’on sent déjà, croirait-on, l’auguste apaisement de la tombe : « Vous êtes trop bon, trop aimable, mon ami ; vous voudriez ranimer, soutenir une âme