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mais que je vous dirai, m’ont décidé à faire le voyage de Turin vers le mois d’avril, si toutefois des événemens possibles ne viennent pas déranger mes combinaisons. On meurt quelquefois dans la bataille ou on reste prisonnier. Priez pour le succès de la mienne. Si je vais à Turin, c’est là que je m’occuperai de la Préface que me demande le comte de Maistre[1]. Ce travail me dérange extrêmement et me contrarie de même ; je n’ai pu cependant refuser. M. de Senfft doit être maintenant à son poste. Que Dieu le bénisse, dans sa nouvelle existence ! Il mérite toutes les grâces du ciel.

Adressez-moi à Paris les pièces de votre procès genevois.

La France catholique a cessé de paraître. Elle n’a jamais eu que 150 abonnés. L’archevêque de Paris la soutenait et l’évêque d’Hermopolis était persuadé qu’elle devait plaire. Celui-ci va s’enfonçant tous les jours dans son péché. Pour l’autre, il est au fond depuis longtemps.

Ma santé est faible, on s’use vite dans ce temps-ci. J’espère, avec la grâce de Dieu, mourir sur la brèche. Malgré l’apathie générale, on ne laisse pas de faire quelque bien. Le clergé s’unit, comprend à la longue, vient ou revient aux bonnes doctrines, et sera préparé pour combattre les combats de la foi. Cela console ! Oh ! que l’autorité ne sait-elle, ou ne veut-elle !

Adieu, mon excellent ami ; mon frère et l’abbé G[erbet] vous lisent mille choses tendres et respectueuses.

Tout à vous en N. S.


Paris, il mars 1826.

J’ai reçu, mon excellent et bien cher ami, les deux lettres que vous m’avez adressées à Paris, la dernière en date du 24 février[2].

  1. Le fils de Joseph de Maistre.
  2. Nous possédons la première probablement de ces deux lettres : elle est datée du 20 février. Il semble, d’après cette lettre, que Lamennais avait fait espérer à M. Vuarin qu’il retournerait à Genève. Celui-ci souhaite vivement sa présence, ne fût-ce que quelques jours, « afin, dit-il, de bien montrer à nos magnifiques et très honorés seigneurs que leur cité ne vous fait pas peur,… puisqu’ils ont dit que vous aviez gardé l’incognito en 1824. » Il lui annonce l’envoi de différentes pièces qui doivent servir à « donner une nouvelle leçon à nos pasteurs déistes. » « Le sommeil du chef de la cité sainte, ajoute-t-il, et de ses auxiliaires me paraît étrange. Est-ce prudence humaine ? Est-ce sagesse d’en haut ? Je n’ose prononcer… Que Dieu vous soutienne et vous console, mon très cher ami, dans l’importante et honorable mission que vous remplissez ! Je vous vénère, je vous chéris et vous embrasse tendrement. » — Il est à remarquer que la plupart des lettres de M. Vuarin à Lamennais, — nous ne les avons malheureusement pas toutes, — portent pour suscription : Pour mon compagnon de voyage en 1824. Il les lui faisait sans doute parvenir par un intermédiaire. « Je charge Mme de Bellamare, qui vous remettra ce billet,… » écrit-il dans la lettre suivante.