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construction de son église. Je désirerais de tout mon cœur participer à cette bonne œuvre ; mais vous savez quelle est ma position pécuniaire. Tout ce que j’avais, on me l’a volé. Il ne me reste que des dettes. Et puis aussi j’ai à pourvoir péniblement à une œuvre pieuse, à laquelle je me dois avant tout. Veuillez faire entendre ces raisons à M. le curé de Cornier, qui me paraît un prêtre fort respectable et que j’ai un grand regret de ne pouvoir aider.

Ma santé devient de plus en plus mauvaise. Je suis à peu près incapable de tout travail, et accablé de mille pensées tristes. Il y a comme un esprit de vertige universel qui me fait trembler pour l’avenir. On ne craint rien tant que la vérité, et je ne parle que des bons, ou de ceux qui croient l’être. Pourvu qu’on ait un jour devant soi, on n’en demande pas davantage ; et malheur à qui par le du lendemain ! Au milieu des combats de doctrine les plus vifs que jamais le monde ait vus, et sur ce que la religion a de plus fondamental, pas un mot de l’autorité pour guider les esprits et pour les fixer. Cette voix, qui n’a pas défailli pendant dix-huit siècles, se tait, et toutes les erreurs, enhardies par son silence, élèvent la leur avec une confiance et un orgueil nouveau. Enfin Dieu a ses desseins. Il faut baisser la tête, et adorer.

Ménagez votre santé, qui est si précieuse, si nécessaire, et souvenez-vous, dans vos prières, de celui qui vous est, mon cher et respectable ami, si tendrement dévoué.


A la Chênaie, le 12 septembre 1829.

Je reçois, à l’instant, mon bien cher ami, votre petit billet du 6 août. Toute ma pauvre âme s’émeut de joie à la seule pensée de vous revoir, et de passer un peu de temps avec vous. Mais hélas ! il est impossible. Vous savez ce qui me retient ici ; ma présence est indispensable, et d’autant plus que Dieu bénit cette intention de bien. Plus tard, il faudra que nous tâchions de nous trouver à Paris. Je ne manquerai pas de vous prévenir quand il me sera possible d’y aller. Si, d’ici là, vous trouviez une occasion sûre de me communiquer quelques renseignemens, vous savez combien cela me ferait de plaisir, et combien cela me serait utile. Voici l’extrait d’une lettre de la comtesse Ric[coni] au comte de S[enfft] :

Spiacemi sentir il nostro amico si abbatuto di. forze : si faccia coraggio ; il So Padre lo ama e dice ch’è il maggior difensore della Religione : ma dice