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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/223

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raclées à des Chinois qui, malgré la défense, s’obstinaient à rôder aux environs. Ces Chinois n’étaient peut-être que des cultivateurs paisibles, invinciblement attirés par leurs champs. Les innocens payaient pour les coupables ; mais les officiers japonais parvenaient, malgré tout, à faire leurs observations. Les distances étaient repérées, la place des batteries déterminée, et, quand commençait le combat, les Russes n’avaient qu’une ressource, pour dérouter les canonniers japonais : c’était de mettre leurs pièces en d’autres lieux que ceux qu’on avait préparés pour elles.

Au sud de Ta-Ché-Kiao, des soldats russes, après une poursuite éperdue dans les champs de sorgho, arrêtèrent deux de ces espions japonais. Le troisième réussit à s’échapper. J’étais au quartier général du corps d’armée, quand les deux prisonniers furent amenés : sordides, couverts de boue, les mains et la face sanglantes, tout à fait hors d’haleine. On les fouille, l’un d’eux portait des plans, des croquis qu’il avait levés ; il avoue tout de suite qu’il est officier, connaît les lois de la guerre, le sort qui lui est réservé et ne demande qu’une chose, qu’on en finisse au plus tôt avec lui. Aucun affaissement, aucune douleur, le calme le plus absolu devant la mort toute proche, et même un éclair de joie et de triomphe, quand on l’interroge sur son troisième compagnon et qu’il acquiert ainsi la certitude qu’on n’a pas pu l’attraper : deux sont pris, mais le troisième est sauvé ; ce soir son général aura les plans ; le petit Japonais va mourir content !

Un Japonais, sous le déguisement chinois, peut tromper à la rigueur un œil européen ; mais un Chinois le reconnaîtra tout de suite, si habile soit-il à se déguiser. Ces espions japonais ne pouvaient donc circuler dans la campagne qu’avec la complicité de la population. Tous ceux qui furent pris, le furent par des Russes, jamais avec l’aide d’un Chinois. Et ainsi, nous arrivons toujours à la même cause : la sympathie des Chinois pour les Japonais.

Ce fut une des grandes forces de la guerre : sans diminuer en rien les brillans mérites de l’année japonaise, sans oublier les défauts intrinsèques de l’armée russe, cette force qui servit aux uns et nuisit aux autres, eut des effets considérables. Matériellement, moralement, les Chinois furent les auxiliaires des