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un voyage à sparte.

des Neri, qui se balance derrière son âne, quel joli héros pour un Walter Scott ! Je m’informai de sa descendance. Mais vainement : il paraît que les Neri sont trop jeunes pour ressortir à l’archéologie, et je dus rougir de m’évader ainsi des curiosités orthodoxes.


V. — J’ESSAYE D’ANALYSER MON DÉSARROI D’ATHÈNES


Heureux celui qui de l’Acropole réjouit pleinement son âme avec le cirque montagneux ! Quant à moi, je ne viens pas en Grèce pour goûter un paysage. J’ai pu cueillir les gros œillets d’Andalousie et les camélias des lacs italiens, mais, à respirer au pied du Parthénon les violettes de l’Attique, je mésuserais de mon pèlerinage.

Heureux encore qui se satisfait de comprendre, tant bien que mal, des parcelles de la beauté, mais je ne puis me contenter avec des plaisirs fragmentaires. Où que je sois, je suis mal à l’aise si je n’ai pas un point de vue d’où les détails se subordonnent les uns aux autres et d’où l’ensemble se raccorde à mes acquisitions précédentes.


Il y a quelques années, l’hellénisme, sur le haut de cette Acropole, apparaissait à l’humanité dans une lumière spéciale et, chaque soir, le soleil couchant mettait au golfe d’Athènes une coloration d’apothéose. Ô beauté, maître idéal, décisive révélation ! Les plus virils penseurs professaient une foi naïve dans le miracle grec. Ils trouvaient ici une beauté, une vérité qui ne dépendaient d’aucune condition et qu’ils regardaient comme nécessaires et universelles : l’absolu. Et de qui veux-je parler ? De ceux-là mêmes qui dénient qu’une vérité universelle existe, des maîtres qui substituèrent à la notion de l’absolu la notion du relatif. Dans le temps où il dépouille Jésus de sa divinité, Renan maintient celle de Pallas Athéné. Il dit qu’Athènes a fondé la raison universelle. Taine nous trace de la société hellénique un tableau où il n’y a plus de place pour le mal, où le rêve et l’action s’harmonisent. Aux yeux de ce savant, enivré par les livres et par les moulages, le Parthénon fonde la religion éternelle des artistes et des philosophes. Je reprendrais volontiers cette thèse. Aussi bien, ce qui me conduit vers Athènes, c’est une affectueuse déférence pour la suite des hommes illustres