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UN
VOYAGE À SPARTE


II[1]


IX. — ANTIGONE AU THÉÂTRE DE DIONYSOS


Mes meilleures minutes de l’Athènes antique et mes instans de plénitude furent sur les gradins du théâtre de Dionysos, quand je relisais Antigone.

C’est, à mon goût, le plus beau des livres, un drame lyrique, mais d’un lyrisme qui se justifie devant notre raison. Ni l’auteur ni l’acteur n’exigèrent qu’Antigone chantât : chez une telle personne, naturellement solitaire en pleine foule, les pensées prennent, d’elles-mêmes, un rythme. Je ne m’étonne pas non plus des mouvemens, des transports du chœur, car l’aventure qu’il voit se dérouler nous met en telle disposition que, nous aussi, nous sommes prêts à interpeller le soleil : « Soleil aux rayons d’or, œil du jour… »

Pour jouir de cette raison chantante, qui va tout droit nous saisir l’âme, je montais aux places les plus élevées, celles du vulgaire. Humble ignorant, j’épelais une traduction juxtalinéaire, et, du fond du vieux texte, émergeait une inexprimable poésie. Du théâtre jusqu’à la mer, une brume matinale flottait de chants invisibles mêlés au joyeux soleil. Cette double jeunesse du ciel grec et de la tragédie m’enveloppait, m’isolait. J’étais dans le cercle des déesses.

  1. Voyez la Revue du 15 novembre