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que les gens les plus sérieux voient un moyen efficace d’améliorer l’avenir en diminuant le nombre des conflits armés. Déjà, des traités d’arbitrage lient entre elles une grande partie des puissances européennes dans tout un ordre de questions qui, sans constituer des menaces directes pour la paix, étaient cependant de nature à aigrir les rapports, et à créer ainsi une atmosphère moins favorable à des solutions pacifiques. Un différend grave entre deux des plus grandes puissances de l’Europe a pu même être réglé à la satisfaction des deux parties avec le concours d’une des institutions prévues par la conférence de La Haye. Bien que l’idée de cette Conférence émanât de l’empereur de Russie, dont elle constitue un titre à la reconnaissance des peuples, la large application en est due à la France. C’est aux hommes éminens qui y ont représenté la République qu’est due en grande partie l’expression pratique des intentions généreuses manifestées de différens côtés. C’est à un ministre des Affaires étrangères français qu’appartient l’honneur d’avoir procédé le premier à la conclusion de ces traités d’arbitrage qui tendent à créer entre les différens États des liens d’un caractère nouveau et éminemment pacifique. C’est dans la capitale de la France, enfin, qu’a siégé avec tant de succès, sous la présidence d’un amiral français, la première commission d’enquête instituée sur les bases de la Convention de La Haye.

Mais, de là, conclure à la possibilité de résoudre par voie d’arbitrage ou de jugement international, comme le voudraient les pacifistes, toutes les difficultés entre gouvernemens, ce serait méconnaître la nature même de ces difficultés. Elles sont la conséquence naturelle de la coexistence, à côté les uns des autres, de différens groupemens d’êtres humains. Les guerres ne sont point, ou ne sont plus, ainsi que se plaisent à l’affirmer les partis avancés, l’effet de l’ambition des gouvernans. Le temps des guerres de conquête est passé pour l’Europe. Mais le contact continuel des grandes sociétés humaines appelées nations crée entre elles des oppositions d’intérêts, des rivalités, des différends, des luttes qui dégénèrent facilement en guerres. On arrivera peut-être, en appliquant consciencieusement la Convention de La Haye et en maniant habilement les ressources qu’offre la diplomatie, à rendre les guerres moins fréquentes et surtout moins désastreuses. Mais avant de songer aux moyens de les éviter complètement et de les prévenir, il faut en reconnaître les