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l’usage, par un programme détaillé de la flotte ; cela me permettra d’être bref.


L’évolution de la puissance défensive est celle qui frappe le moins le public, parce qu’elle ne se manifeste, ni par un changement des caractères extérieurs des navires, ni par une succession de chiffres précis. On a mieux noté le changement des dimensions, résumé dans celui du déplacement d’eau égal au poids total du navire, armé, lequel a plus que doublé depuis trente ans. On a été encore plus frappé du changement des vitesses, qui, dans la même période, se sont accrues de 50 pour 100, environ, sur les bâtimens de combat et de 100 pour 100 sur les croiseurs. Un seul indice a pu révéler une transformation dans l’art de protéger les navires ; c’est l’arrêt dans l’accroissement de l’épaisseur des cuirasses et du calibre des canons, suivi d’une diminution presque simultanée de ces deux élémens de la puissance militaire. Sous cette forme apparente, se manifestait un changement radical des dispositions intérieures, bouleversant les emménagemens classiques et influant même sur la charpente et le mode de construction. La transformation du navire tout entier a accompagné l’évolution du système défensif.

Toute évolution étant un mouvement, son étude veut une histoire. Il faut donc, à l’exposé et à la justification du système défensif à peu près universellement adopté aujourd’hui, joindre le récit des phases successives par lesquelles il a passé. Il ne sera possible de parler ici, bien entendu, que des études préliminaires faites en France, car les marines de guerre, même les plus libérales, divulguent rarement leurs recherches avant d’en avoir fait mûrir et récolté le fruit. Les études françaises, poursuivies avec persévérance pendant trente-cinq ans, suffisent d’ailleurs à traiter le sujet, peut-être même à le traiter plus complètement que partout ailleurs.

Rappelons, comme prologue, l’histoire du cuirassement des navires, qui répondit à l’adoption des projectiles explosifs, et qui constitua une première évolution de la puissance défensive, devançant, d’une quinzaine d’années, l’origine de celle que nous devons examiner en détail.

L’application de la cuirasse est principalement l’œuvre de Dupuy de Lomé en Europe et d’Ericson en Amérique, la part