en toute hâte remercier son protecteur à l’abbaye de Landévenec. Ils suivaient donc ensemble la même route.
Ahès avait mis son cheval au pas. Elle interrogeait l’enfant le long du chemin. Il lui racontait que le bon Gwennolé était leur providence ; qu’il les défendait contre les bêtes féroces, et les maîtres cruels, et le feu, et la grêle, et tout…
— Il était très riche et très puissant, disait l’enfant avec orgueil. Il s’est fait pauvre comme nous et pour nous. Il n’a rien. Je suis mieux nourri que lui avec mon lait et mes fruits ; et sa vie est plus dure que la mienne. Il est partout où on l’appelle… Tout le monde l’aime. Il passe et il me dit : « Es-tu heureux ? » Je le suis toujours quand je le vois… Alors il ajoute : « Aime bien le bon Dieu ; » parce qu’il m’a appris que le bon Dieu le premier nous aimait ; qu’il était venu en ce monde, misérable comme je le suis… Aussi, vous ne trouveriez pas un païen dans le pays. Personne n’oserait faire cette peine au cher saint. Il est trop bon !…
Ahès souriait à cet enthousiasme naïf. Les bois avaient repris ; mais de larges espaces étaient défrichés, semés de blé et d’orge. On approchait du monastère. Ce n’était pas encore le bâtiment symétrique et régulier des abbayes du moyen âge ; mais une série de cabanes de chaume, où chaque moine vivait seul ; au milieu, un pauvre et spacieux oratoire réunissait tous les religieux à heure fixe. Ils prenaient aussi leurs repas en commun.
Et non seulement ils défrichaient la terre, non seulement ils chantaient les louanges de Dieu, mais ils allaient toujours par voies et par chemins convertir et consoler, enseigner les secrets du paradis, et protéger les petits et défendre les faibles. Vraiment ces chevaliers errans de Dieu faisaient la terre plus belle et les cieux plus proches.
Gradlon était arrivé le premier. Assis au seuil de l’abbaye, sous les arbres, il écoutait Gwennolé d’un air soucieux. Le faible roi, passant du druide aux moines, oscillait plus que jamais entre le vrai Dieu et ses dieux : il eût voulu les fondre en un accord impossible. Son âme était semblable à la terre dont parle le Christ où la semence mystérieuse est étouffée par les épines…
Avant Gwennolé, Gradlon avait revu Rouan, le moine qu’il avait livré aux chiens à Quimper. Et de nouveau le roi avait