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En dehors même de ces personnages de haut rang, l’ensemble de la population métissée, tout en étant dédaignée par les blancs, ne fut jamais reléguée au niveau des mulâtres dans les pays où se trouvent des nègres. Dès 1588, Philippe il permit de leur conférer les ordres, et ils contribuèrent bientôt largement au recrutement du clergé des campagnes. Ils fournirent aussi aux vice-rois, de même que les Indiens, d’excellens soldats. « En 1804, les métis, au nombre de 1 300 000, avaient une tendance à s’élever au-dessus de la catégorie des serviteurs ; ils s’employaient principalement au travail des mines, aux transports, à la petite industrie, enfin ils envahissaient les professions libérales et se montraient avides de savoir et ambitieux de richesses et de pouvoir. » En 1812, ce fut un métis, le curé Morelos, qui releva le drapeau de l’indépendance tombé des mains expirantes du curé Hidalgo, un créole, qui avait lancé, en 1810, le premier appel à l’insurrection. Vaincu et tué, après avoir d’abord remporté plusieurs victoires, il montra de véritables talens militaires. Sous le régime de l’indépendance, les métis ont rempli avec succès les plus hautes charges. Ils formeront de plus en plus le fond de la population du pays comme ils forment déjà le fond de la population des villes et des classes moyennes en général. Ils sont, en réalité, plus nombreux qu’ils ne le paraissent ; tant qu’a duré le régime colonial, et que des avantages divers ont été attachés à la qualité de blanc, de nombreux sang-mêlés ont recherché et souvent réussi, moyennant finances, à se faire inscrire dans la classe des blancs. Ils le faisaient encore à Cuba, par pure gloriole, il n’y a pas longtemps. De nos jours, par la force naturelle des choses, le mouvement continue ; les nombreux métis arrivés à une position élevée sont absorbés par les blancs et considérés comme tels[1].

Le groupe qu’on appelle blanc et qui représente seulement un cinquième de la population mexicaine n’est donc pas même en réalité composé de blancs tout à fait purs. Néanmoins le sang

  1. Le prince Roland Bonaparte cite à ce propos, dans le Mexique au XXe siècle, l’exemple de Juarez, Indien zapolèque de pur sang, hispanifié par l’instruction et l’éducation ; devenu avocat et homme politique important, il épouse une femme de la classe décente (dirigeante) dont la mère était Italienne. Son fils épouse à son tour une Française, trois de ses cinq filles des Espagnols, une autre un Mexicain, une autre un Cubain. Ses petits-enfans s’allient tous avec des blancs. A la quatrième génération, sinon à la troisième, tous ses descendans peuvent être ainsi absolument confondus avec des blancs purs.