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La Constitution se montre très soucieuse de garantir les droits des particuliers et la liberté individuelle ; les mesures à ce destinées sont imitées de celles mises en vigueur aux États-Unis. Le jury existe partout en matière criminelle. L’égalité de tous les citoyens, la liberté religieuse, la liberté de la presse, le droit d’association, la liberté du travail, la liberté de l’enseignement, sont formellement affirmées. Il est vrai que, dans cette même constitution, sont formulées certaines exceptions déconcertantes à ces règles, en ce qui concerne les ordres religieux et les ministres du culte, le Mexique s’étant distingué par sa législation anticléricale. Sauf ces mesures spéciales, qui jurent fâcheusement avec l’ensemble, il est incontestable que les institutions mexicaines sont aussi libérales que démocratiques. Elles constituent une façade brillante et toute moderne, mais quel est leur lien avec la réalité qu’elles recouvrent ? « Faut-il, écrit M. Léon Bourgeois dans le Mexique au XXe siècle, faut-il attribuer à cette législation si remarquable, le développement plus remarquable encore des États auxquels elle a été donnée ? Ou doit-on chercher ailleurs la cause principale de la prospérité actuelle du Mexique ? C’est une question qui se pose malheureusement dans un pays aussi neuf, où l’accord entre les mœurs anciennes et les nouveautés légales n’a pu se faire en peu d’années et où, certainement, bien des institutions empruntées aux vieux pays latins, — ou aux pays anglo-saxons, faudrait-il ajouter, — ne peuvent être encore comprises et pratiquées réellement par la masse des citoyens. On peut dire que les institutions mexicaines donnent encore et pour longtemps peut-être l’indication de ce qui devrait être, plus que le signe de ce qui est en réalité… »

Le jugement est corroboré par le témoignage d’écrivains et d’hommes d’État mexicains appartenant eux-mêmes au parti libéral avancé. « La vie parlementaire est à peu près nulle, écrit l’un des plus distingués d’entre eux, M. Justo Sierra ; le peuple s’est convaincu que l’action d’un pouvoir administratif bien organisé et énergiquement dirigé comme l’est le pouvoir actuel suffit aux besoins de progrès du pays ; les groupes politiques se dissolvent. Éternelle histoire des pays qui ont traversé de longues périodes de crises convulsives et qui se sont trouvés soudain en présence de ce dilemme formidable : résoudre deux ou trois problèmes capitaux ou disparaître de la liste des nations… Quel rôle le suffrage universel peut-il jouer dans les pays neufs