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ce n’est qu’une phrase, et une phrase qui ne s’entend point ! Libre en effet de quoi, l’Église ? de violer la loi de l’État ? et libre de quoi, l’État ? d’opprimer le droit de l’Église ? L’Église, libre de faire échec à la souveraineté de l’État ? et l’État, libre d’ignorer l’existence de l’Église ? Nous sommes libres aussi, en France, d’ignorer l’existence de l’Allemagne ou celle de l’Angleterre ! et c’est d’ailleurs une liberté dont nous ferons bien de ne pas user.

D’un autre côté, — nous venons de le dire et nous le répétons, — nous savons parfaitement que la loi de séparation n’est qu’une loi de haine, dont le premier effet, et un effet presque automatique, pour n’en citer ici qu’un seul, sera d’anéantir le culte catholique dans quelques milliers de communes de France. L’archevêque de Besançon, dans une Lettre à MM. les sénateurs du Doubs, de la Haute-Saône et du Haut-Rhin, faisait récemment observer que, « sans tenir compte des charges générales de l’administration centrale du diocèse, pour les paroisses de ville et les vicariats non rétribués par l’État, pour les aumôniers et l’éducation des clercs, le diocèse de Besançon émargeait au budget des cultes pour une somme de 895 50 francs ! » Où veut-on, et comment, que, d’une année à l’autre, on retrouve cette somme, et qu’on la demande à des contribuables dont la suppression du budget des cultes n’aura pas allégé les impositions d’un centime ? On ne la leur demandera pas ; et c’est bien ce qu’espèrent les auteurs de la loi de séparation ! Ce qui revient à dire que, si les dispositions de la loi ne sont pas en quelque sorte plus « meurtrières » pour la religion, c’est qu’on n’a pas osé les faire telles. Mais soyons sûrs que nous ne perdrons rien pour avoir attendu ! On le verra bien quand paraîtra, dans quelques mois, ou dans quelques jours, ce règlement d’administration, dont le moins que l’on puisse craindre, c’est qu’il ne soit à la loi de séparation ce que les articles organiques étaient encore hier au Concordat. Et il faut le savoir, pour nous y préparer.

Avons-nous besoin d’ajouter, après cela, que nous ne sommes pas de ceux qui semblent se promettre de l’application de la loi, je ne sais quel réveil ou quelle régénération du sentiment religieux ? Hélas ! nous croirions plutôt le contraire ! et, s’il faut dire crûment les choses, nous ne doutons pas que, dans nos campagnes, nos prêtres, en perdant l’attache officielle, ne perdent