Si le parti libéral était absolument d’accord sur tous les points de son programme et si ce programme était d’avance intégralement accepté par le pays, cette interversion n’aurait pas grand inconvénient ; mais il n’en est pas tout à fait ainsi ; le parti libéral est plus uni et par conséquent plus fort lorsqu’il attaque que lorsqu’il se défend. En France, les choses se passeraient autrement : un parti serait toujours enchanté d’arriver au pouvoir pour faire les élections. Il se proposerait d’exercer sur elles cette forte pression administrative à laquelle tant de nos députés doivent leur présence au Palais-Bourbon. En Angleterre, les élections ne sont pas pures de toute corruption, loin de là ! mais ce n’est pas la corruption administrative qui y domine. Les partis n’y comptent que sur eux-mêmes : à ce point de vue, les mœurs de nos voisins sont meilleures que les nôtres. Au surplus, qu’on procède aux élections avec un gouvernement libéral ou avec un gouvernement conservateur, les libéraux auront la majorité ; c’est seulement une question de plus ou de moins ; question d’ailleurs importante pour l’avenir. Les conservateurs, qui ont su si mal gérer la majorité qu’ils avaient après les élections dernières, aiment à croire et à dire que celle des libéraux sera trop faible après les élections prochaines, et bientôt trop divisée pour subsister longtemps. Ils se trompent peut-être ; l’avenir seul nous éclairera à cet égard. Quoi qu’il en soit M. Chamberlain et M. Balfour vont poser leur candidature à une succession éventuelle, et qu’ils déclarent prochaine. Dans tous les camps, la lutte sera très ardente, et elle sera encore plus intéressante, car les questions qui y seront agitées sont de celles qui influent pendant de longues années sur l’avenir d’un pays.
Que le ministère conservateur de M. Balfour disparaisse demain ou après-demain, nous lui devons un salut très sympathique. La politique intérieure de nos voisins Anglais ne regarde qu’eux ; nous l’envisageons comme une chose objective et sans y prendre parti. Mais il n’en est pas de même de leur politique extérieure : elle a pour nous un intérêt très direct. Nous en parlons en ce moment d’autant plus à l’aise que tous les journaux et tous les orateurs libéraux ont répété à qui mieux mieux que la politique extérieure du gouvernement conservateur avait l’assentiment de l’opinion tout entière et que, quoi qu’il arrivât, elle serait maintenue. L’Angleterre, heureux pays ! a la bonne fortune que tous les partis y sont d’accord sur la politique étrangère qu’il convient d’y suivre, notamment envers la France. Le rapprochement qui s’est fait avec nous n’a rencontré jusqu’ici qu’un critique un peu sévère, lord Rosebery : encore