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farouche est le berceau de l’Étrangère qui m’enchanta dans mon aigre pays.

Mais un grand doute m’est venu.

Je me rappelle un rouleau d’Égypte, auprès d’une momie, où l’on trouve cette exclamation : « Ô cœur, qui me viens de ma mère ! »

De cette famille des Atrides peut-il sortir, comme Gœthe l’a cru, une Iphigénie qui pardonne ?

Rien d’arbitraire ne fleurit chez les êtres ; jamais une feuille n’apparaît sur eux qui n’appartenait pas à leur principe. Iphigénie, formée d’Agamemnon et de Clytemnestre, n’est pas faite pour s’insurger contre la loi sanglante d’Artémis. Celle qu’un père acceptait d’immoler sur l’autel ne répugnera pas à verser le sang pour obéir à la déesse. Iphigénie étant la sacrifiée doit devenir la sacrifiante. Racine l’a bien vu. Dans les notes qu’il prenait de ses lectures grecques, il relève ce que dit à Clytemnestre Électre, sœur d’Iphigénie et d’Oreste : « Si je suis méchante, je ne dégénère point de vous. » Et là-dessus, il fait un commentaire : « Le caractère honnête d’Électre se montre au milieu de son emportement. Elle s’en excuse sur son malheur. Elle dit qu’elle en a honte elle-même et qu’elle y est forcée, et elle l’explique en disant à Clytemnestre : « Ce sont vos actions qui parlent en moi. »

À Mycènes, plus qu’ailleurs, on subissait les ordres des tombeaux. J’ai vu dans les vitrines du musée athénien la dépouille des sépulcres, les vases d’or et d’argent, les sphinx, les griffons, le beau lion d’or, les bibelots d’ivoire, la tête mitrée qui sent l’Assyrie, les œufs d’autruche ornés de dessins, le grand cachet babylonien. Qu’ils devaient valoir, ces morts, pour qu’on les comblât de si grandes richesses !

Au premier acte des Choéphores, j’entends Oreste s’écrier : « Ô mon père, sois avec ceux qui t’aiment. » Électre insiste : « Vois, dit-elle, tes deux enfans debout près de ta tombe. » Oreste, d’un cri sublime, presse son père : « Ne laisse pas s’anéantir en nous la race des Pélopides. » Terribles adjurations qu’aucun homme vraiment digne ne refuse de prononcer. Qui de nous ne s’est écrié : « Ô mon sang, sois fidèle à toi-même ; ne laisse pas s’affaiblir dans mes veines, mes pères. Tu es ma famille, ma cité, mes lois, ma révélation, je t’accepte. » Mais les enfans des Atrides, quand ils veulent que leur race s’agite