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assis sur une pierre, jusques à deux heures du matin dans mes admirations méditatives, et devenu par elles aussi persuadé que Socrate de l’immortalité de nos âmes, je m’écriais, en regagnant ma retraite : « S’ils m’égorgent aujourd’hui, demain tous ces soleils brilleront sous mes pieds[1]. »

Réintégré, non sans difficulté, à la Convention dans les mois qui suivirent la mort de Robespierre, Isnard se signala par le zèle avec lequel il alla réprimer l’insurrection marseillaise de germinal an III. Il passa ensuite au Conseil des Cinq-Cents et s’y fit peu remarquer ; le sort l’en ayant exclu en 1797, il disparut définitivement de la scène politique.


IV

Alors s’ouvre une nouvelle phase de l’existence d’Isnard. Il se retira dans une campagne des environs de Grasse, sur les bords de la Méditerranée, voyant peu de monde, mais ayant constamment sous les yeux la mer, le ciel et la nature. Il consacrait une partie de ses loisirs à sa femme[2] et à ses jeunes enfans dont il avait été si longtemps séparé et que si longtemps il avait désespéré de revoir ; il employait l’autre à poursuivre les méditations et les études de philosophie religieuse auxquelles il avait pris goût durant les longues heures de sa réclusion. Ce temps de recueillement aboutit, en 1802, c’est-à-dire au moment même où le culte se relevait en France, à la publication d’un discours sur l’immortalité de l’âme[3], premier crayon d’un ouvrage plus étendu qu’il projetait, qu’il écrivit peut-être, mais qui est resté inédit.

Ce travail se compose d’un texte assez court et de notes fort étendues qui en font surtout l’intérêt. C’est là en effet qu’il

  1. Entre quelques-unes des pages de la Proscription d’Isnard et les premières œuvres de Lamartine, il y a des ressemblances frappantes. Serait-il téméraire de croire que le poète les avait lues, dans son enfance, sur les genoux de sa mère ? Au lendemain de la Terreur et des persécutions religieuses, ces pages devaient se passer de mains en mains dans les familles chrétiennes. On les citait naguère encore dans les ouvrages d’apologétique.
  2. Pendant la proscription d’Isnard et tandis que son nom était inscrit sur la liste des émigrés, sa femme avait demandé le divorce, qui fut prononcé à Grasse le 12 germinal an II. Mais ce divorce, comme beaucoup d’autres alors, n’avait pour but que de dégager du séquestre mis sur les biens de son mari, ce que la loi lui permettait d’en retirer. Les époux se réunirent après la tourmente, et la dernière de leurs filles naquit à Grasse le 4 janvier 1799.
  3. De l’Immortalité de l’âme, par Maximin. Isnard. Paris, Ch. Pougens, an X-1802, in-8o, 96 pages.