Carnot cherchait, on le sait, des auxiliaires parmi les survivans les moins compromis de la Révolution. Comme Isnard, il avait été lui-même trouvé trop modéré, et, au 18 fructidor, il avait subi, de ce fait, la proscription : c’était, entre eux, un lien de plus. Isnard ne s’en est pas vanté, mais il dut certainement aller le voir, ne fût-ce que par politesse et pour faire comme tout le monde : tous les anciens conventionnels passèrent alors par l’antichambre du ministre de l’Intérieur. On ne comprendrait pas, autrement, que Carnot eût de lui-même songé à cet ancien collègue qu’on savait depuis longtemps retiré dans le Midi et dont rien ne pouvait faire deviner la présence à Paris. Isnard assure qu’il chercha à l’enrôler sous la bannière impériale, en lui offrant un poste dépendant de son ministère ; mais que, n’ayant pu vaincre ses hésitations, il se borna à lui envoyer, en considération de ses anciennes luttes contre l’anarchie, le ruban de la Légion d’honneur. S’il en est ainsi, il faut admirer la prudence d’Isnard : ce n’est point par là qu’il brillait autrefois.
Quoi qu’il en soit, bien lui en prit de s’être alors abstenu de toute participation aux affaires politiques, car, au retour de Louis XVIII, lorsque la loi d’amnistie, après de longs et vifs débats, fut enfin promulguée le 12 janvier 1816, il eut la satisfaction de constater que l’article 7, qui bannissait à perpétuité du royaume les régicides coupables d’avoir voté l’Acte additionnel ou accepté quelque fonction ou emploi pendant les Cent-Jours, ne s’appliquait point à lui. Cependant les mots fonctions, emplois étaient vagues et équivoques, et, à la façon dont il vit bientôt l’administration les interpréter, sa confiance dans la protection de la loi fut ébranlée. Puisqu’on étendait l’article 7 aux votans qui avaient pris part à de simples opérations électorales, c’est-à-dire qui n’avaient, en somme, qu’exercé un droit et non une fonction, qu’est-ce qui empêchait d’y joindre ceux qui avaient été gratifiés d’une distinction honorifique ? Isnard n’avait accepté aucun emploi ; il n’avait pas signé l’Acte additionnel ; il n’avait assisté à aucun collège électoral ; mais il avait reçu et accepté la croix de la Légion d’honneur. Allait-on le bannir pour cela ? Aux professions de foi, aux démarches qu’on le voit faire alors, aux explications dont il accable le préfet de police, on peut juger qu’il en eut grand’peur. De tous les papiers qu’il adressa alors à ce magistrat pour se ménager sa bienveillance, le plus curieux, sans contredit, est un long mémoire daté du 1er mars 1816, signé de sa