guerre, le bouclier où des têtes de vautour étaient peintes, le casque d’argent. Tout ce qui rehaussait la beauté des chefs, au moment des batailles, on l’apporta dans sa prison. Il teignit de rouge ses moustaches tombantes. Le bruit impatient de la foule arrivait à lui avec le bruit de la marée. Le druide leur parlait en mots brefs. Quelque chose de religieux et de solennel planait sur eux. Et ce ne fut pas un cri de joie, mais une longue acclamation de triomphe ; une acclamation ininterrompue, surhumaine, lorsque Rhuys parut, entre le druide et le barde, beau de la beauté unique de ce peuple.
Il marchait, souriant et calme. Une seule pensée le prenait tout entier : montrer à ses vainqueurs que leur captif savait mourir. Tous étaient en armes comme lui. Ils le regardaient avec un fraternel orgueil. Des mères approchaient leurs enfans jusqu’à lui. Le barde chantait un chant de guerre et de mort dont tous reprenaient le grave refrain. Ces voix rudes lui versaient une ivresse d’orgueil. Il se sentait emporté au-dessus de lui-même.
Il songeait maintenant : « Pourquoi n’ai-je rien dit ? Elle serait là. Elle viendrait avec moi dans la mort. » Vaguement, il la cherchait. Les détails de la route s’imprimaient en lui avec une fixité étrange : tel caillou qu’il allait dépasser ; ce buisson desséché où tenaient encore des roses mortes… Une vieille femme ridée, courbée sur son bâton, le regardait de ses yeux éteints. Ah ! cette femme !…Si Ahès ne mourait pas, elle serait un jour semblable à cette loque parcheminée, aux heures toujours pareilles, vides et mornes… Oh ! pas cela ! Pas cette vie d’abandonnée pour elle… Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Elle aurait répondu : « Oui » à la mort, aussi… Et quelle fête alors aurait égalé pour lui la fête de cette heure !
Déjà ils arrivaient au bord des flots. Le druide allait inconscient, fanatique, scandant les triades et les paroles sacrées : « Ce qui doit être sera. » Il arrêta le captif sur la digue commencée trois fois, démolie trois fois, à l’abri des roches au pied desquelles dormait l’abîme. Gwenc’hlan seul murmurait encore :
« Tu n’es pas plus ébranlé que ces rochers, ô fils de Lennok !… » Mais le barde tremblait ; et sa voix arrivait au prisonnier, basse et déjà lointaine, comme les accens mêmes de l’âme celte.
Rhuys était debout, immobile. Le druide lui dit quelques