s’affaisse avec ce jet rouge… Et ce regard qui disait : Pourquoi ? Tout a croulé en moi à ce regard. Pourquoi ? Je ne savais pas. Il n’y avait plus qu’une victime et qu’un bourreau ; et il ne me reste qu’à mourir comme ma foi est morte.
— Et ainsi, gémissait Gwennolé, voilà ce que devient l’âme la plus belle livrée à l’erreur ; voilà où va l’aveugle poussé par l’aveugle !
Tout haut il dit :
— Que Dieu te pardonne ! Il t’a fait comprendre qu’il hait le sang.
— Qui es-tu pour parler au nom de Dieu ? demanda le druide, surpris.
— Un de ceux qu’il envoie pour épargner aux hommes de tels remords, de telles douleurs…
Et avec les mots que lui seul savait, et qui faisaient tomber les païens à ses pieds, le saint lui annonça la révolution qu’il allait accomplir en ce monde, où tout ne serait plus qu’amour, charité et pitié. Il lui parla du Dieu qui aime et qui nous sauve, et qui est descendu en ce monde, vivant pour nous, mourant pour nous, afin de triompher de cette peur invincible que le péché nous a laissée.
Le druide l’écoutait, stupéfait. Des lueurs douces passaient dans ses regards. Il répétait les mots, après lui, comme un enfant.
— Prends ma place, murmura-t-il avec effort. Tu viens de cette île de Bretagne où nos pères allaient puiser la lumière ; et il y a en toi une belle lumière ; mais il y a des choses que je voudrais que tu dises : celles que, toute ma vie, la vieille forêt m’apprenait.
— Confie-les-moi, demanda doucement le saint.
— Les chênes m’ont dit : L’homme doit être fort et impassible comme nous…
— Ils doivent être bons, ajouta le saint.
— Les sources m’ont dit : La femme doit être pure et bienfaisante comme nous, à l’homme qu’elle aime…
— Mais elle doit étendre cette pitié et la joie qui est eu elle à toute misère et à toute douleur, poursuivit le saint.
— Les tempêtes m’ont dit : La destinée passe, emportant cette feuille, laissant cette autre… Ce qui doit être sera.
— Non, dit le saint. La destinée inflexible n’est plus. C’est une main amie qui cueille et qui laisse.