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désespérée, des bords de l’éternel rivage, lui ouvrant le seul, le suprême refuge à toute douleur.

« — Qu’il se penche vers moi à l’heure où je mourrai ! »

Gwennolé répétait lentement les paroles que la jeune fille lui avait dites. Il priait pour elle, et pour tous ceux qui agonisaient, avec la certitude d’une confiance sans bornes, comme l’ami qui parle à l’ami.

A chaque instance de cette prière, le Christ approchait plus près de l’être de douleur. Il lui disait des mots mystérieux qui apaisaient ce cœur révolté, qui en faisaient jaillir la source sacrée des larmes, brisant la haine, brisant l’orgueil, révélant la Vie…

Ne va-t-il pas à la recherche de sa brebis, qui s’est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?

Les flots, montant peu à peu, couvraient le corps d’Ahès tandis qu’elle s’endormait sous les mains bénies, dans la grande, l’ineffable paix qu’il versait en elle…

— Pardon, Maître, implorait-elle à travers ses larmes… Je ne vous connaissais pas…

Au matin, le ciel était clair, l’Océan redevenait caressant et tranquille, comme ces fauves qui s’étirent paresseusement au soleil, après le carnage. Gwennolé rejoignit Wennaël et les tout petits, sur la lande.

— Père, dit le jeune disciple dont le visage gardait un rayonnement d’extase, à mon tour je l’ai vu. Je ne me plaindrai plus jamais. Il venait de la mer, vers notre terre. Je l’ai vu et je suis demeuré muet, devant sa splendeur, devant la tendresse indicible de son regard. Il est passé près de moi, lassé mais plein de joie, portant une brebis sur ses épaules. Père, toi qui sais tout, sais-tu quelle était l’âme bienheureuse qu’il avait prise ainsi ?

Le saint, qui voyait les choses du présent et celles de l’avenir, répondit, perdu dans l’action de grâces :

— C’est l’Ame Celte.


M. REYNES MONLAUR.