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adoucies, et dans le lointain les fonds avaient ce vaporeux qui fait un si bel effet dans les paysagistes anglais.


Naples surtout le ravit. Il nous dit, à la date du 1er décembre, qu’il y est arrivé la nuit et qu’il a, le lendemain, parcouru toute la ville, et salué le Vésuve, Portici, Pompeies, Castellamare, Pausilippe. C’est la nature qui est admirable à Naples et c’est bien ce qui réjouit Lamartine :


Naples n’est pas riche en monumens des arts, elle doit tout à la nature et n’en est que plus admirable. Là j’ai pris une idée de toute la richesse, de toute la beauté de cette nature. Là j’ai vu des paysages dont rien ne peut donner une idée dans aucun autre pays du monde. Ni la France, ni la Suisse, ni les plus belles montagnes des Alpes ne sont, au lever du soleil, environnées d’une vapeur dorée et qui adoucit et colore tous les objets. J’ai vu, par une belle journée, une pluye de lumière environner les montagnes de Pausilippe et de Salerne ; vers le milieu du jour, la teinte devient plus argentée et le soir elle redevient couleur d’or.


Le 13 décembre, Lamartine est au tombeau de Virgile. « Le laurier planté sur le sommet du tombeau par Pétrarque était prêt à mourir : on l’a coupé presque à sa racine, il reverdit et j’en ai cueilli quatre feuilles pour mes amis et moi. Ce tombeau placé précisément au-dessus de l’entrée de la grotte de Pouzzoles est un des plus beaux sites de Naples. » — Entre le 13 et le 17, Lamartine visite Herculanum. Le 17, il est à la Chartreuse de Saint-Martin d’où sa vue s’étend jusqu’au Vésuve et jusqu’aux montagnes de Baia. — C’est ici que les notes s’interrompent. Faut-il croire que le jeune homme ayant rencontré Graziella, la petite cigarière, ce jour-là il n’écrivit pas plus loin ?…

Après cela nous reprochera-t-on d’avoir fait à ces pages de trop larges emprunts ? Mais quel n’en est pas l’intérêt, puisque dans ces notes écrites sans apprêt on saisit sur le vif l’impression immédiatement reçue par Lamartine au contact des choses d’Italie ! Il aima Rome pour ses ruines, Naples pour son ciel. Ces deux sentimens, le culte du passé, le goût pour une nature amie, sont au premier rang parmi ceux qui plus tard devaient faire de lui un poète. Il est à remarquer que Vigny enfant n’a voyagé ni en Espagne ni en Italie ; mais peut-être et en quelque manière expliquerait-on par là ce qui manque de couleur et d’éclat à sa poésie tout intérieure.

Ces voyages ne furent qu’un épisode dans la jeunesse des romantiques. Ce qui est plus important, et qui contribuera davantage à