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et il leur donna à toutes deux des convulsions. On reconnaît ici l’explication, très générale chez les peuples primitifs, de la maladie et plus particulièrement de la démence et de l’épilepsie, par la possession. Ces génies peuvent entrer dans les arbres, dans les pierres ; or, on sait combien est fréquent, dans les religions fétichistes, le culte des arbres et des pierres, considérés comme demeures d’esprit. L’un d’eux habite même une chaise, et l’histoire de ce dernier a été imitée par Andersen.

A plus forte raison, ces génies sont-ils capables de s’introduire dans des corps d’animaux. Dans l’état d’esprit où se trouvent les personnages qui se meuvent dans les Mille et une Nuits, ils ne doivent jamais être sûrs qu’un animal n’est pas un génie déguisé. Cela est particulièrement vrai des serpens. La confusion entre le serpent et le génie est très ancienne. Elle remonte à l’époque primitive de l’histoire religieuse où, pour des raisons diverses, le serpent pouvait représenter soit l’eau, soit la flamme, soit la végétation, c’est-à-dire trois grands objets de culte. Sans parler du serpent biblique, nous pouvons rappeler le rôle important du serpent dans l’antiquité classique, chez les Grecs, chez les Etrusques, où cet animal est placé comme symbole auprès de Déméter, d’Hygie, d’Esculape, et sur les tombes des héros.

Ces génies sont de grande race ; ils sont descendans d’Iblis, le démon arabe. Ils sont en nombre énorme ; leur taille est immense ; mais leur nature physique est singulière, vaporeuse et se rapproche de celle de la fumée. Ils apparaissent sous la forme d’une fumée qui se condense ; ils disparaissent sous celle d’une vapeur qui se résout. Cette disparition est décrite en détail dans le conte du marchand et du pêcheur : « Alors il se fit une dissolution du corps du génie, qui, se changeant en fumée, s’étendit comme auparavant sur la mer et sur le rivage, et qui, se rassemblant ensuite, commença de rentrer dans le vase, et continua de même, par une succession lente et égale, jusqu’à ce qu’il n’en restât plus rien au dehors. »

Malgré toute leur puissance, les génies sont commandés par des formules, par des talismans, par des encensemens et des fumigations ; la fumée des bois aromatiques, l’aloès, le sandal, les chasse, comme pour nous encore elle chasse les maladies. Les génies sont authentiquement admis dans la doctrine religieuse de l’Islam : ils sont présents dans le Coran ; Mahomet lui-même,