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que sur des questions de détail, n’en seront nullement perdues pour l’avenir, et rendre hommage, enfin, à ce que nous appellerions volontiers le perfectionnement de l’outillage scolaire ; et il faudrait, inversement, consulter criminalistes, sociologues et pédagogues, et les voir s’inquiéter et s’assombrir en présence des incertitudes, des défaillances et des échecs de l’instruction morale. Mais ce sont là des questions qui dépasseraient le cadre de cet article. Un grand effort fut tenté, depuis 1880, pour éveiller dans l’enfance le goût d’apprendre, dans la jeunesse le goût d’enseigner, dans le corps enseignant le goût de persévérer : nous voulons simplement observer, d’après les témoignages officiels, le fruit de cet effort.


I

Jules Ferry avait judicieusement entrevu qu’il ne suffisait pas de rendre l’école obligatoire, en droit, pour qu’en fait les classes fussent suivies. Des conflits étaient possibles entre la passivité des mœurs et les exigences de la loi. Jules Ferry les redoutait, et voulait empêcher que la loi ne fût vaincue. Quelques articles, très originaux, eurent le but formel de faire entrer l’obligation dans les mœurs et dans la pratique. L’école obligatoire ressemblait à une sorte de primeur pour laquelle le climat moral de la France n’était pas encore parfaitement approprié : aussi convenait-il qu’à la différence du commun des lois, la loi scolaire tentât de s’insinuer plutôt que de s’imposer, et que le principe de « l’obligation » s’essayât à apprivoiser les Français, plutôt qu’à leur faire violence. « Nous comptons, déclarait Jules Ferry, sur deux institutions sans l’action desquelles la loi serait lettre morte. L’une toute nouvelle : la commission scolaire. L’autre, déjà ancienne dans bon nombre de communes, mais qui de facultative deviendra obligatoire : la caisse des écoles. Elles aideront à lutter contre les deux grandes causes du mal : la négligence et la misère. »

Victor Duruy, en 1867, avait autorisé les conseils municipaux à créer des caisses des écoles ; le texte législatif de 1882 généralisa l’institution. « Il fallait, expliquait Jules Ferry dans une circulaire complémentaire, faciliter la fréquentation régulière de la classe par des secours aux enfans indigens, par la fourniture d’alimens chauds en hiver, de vêtemens et de chaussures,