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Les voilà réunis, et qui disent leur joie ;


Amors, amors, amors
M’i deraaine, demaine,
Tot ensi demaine
Mon cueret joli[1].

Et le chœur d’applaudir :


La jus desoz la raime (a),
Einsi doit aler qui aime.
— Clere i sort la fontaine —
Y a,
Einsi doit aler qui bele amie a[2].

Assurément il y a de l’arbitraire dans ce groupement, et la fantaisie de chacun peut disposer ces vers, et tant d’autres analogues, de toute autre façon. Mais le principe de ce mode d’interprétation semble juste, car il est confirmé par un texte précieux des Tournois de Chauvenci[3]. L’auteur de ce poème, le héraut d’armes Jacques Bretel, y décrit des fêtes qui furent données à Chauvenci[4] en 1285. Sauf que ces descriptions comportent un certain embellissement poétique de la réalité, rien n’y est fictif, et le narrateur, selon la loi du genre, y retrace ce qu’il a vraiment eu sous les yeux, les pas d’armes, les joutes, les jeux, les chants et les danses, tels qu’ils s’exécutaient de son temps. Ce poème est bien connu de tous ceux qui ont étudié les refrains, et pourtant personne n’a analysé, que je sache, le passage que voici, et ne semble y avoir pris garde, ni même l’avoir lu.

Un soir donc, raconte Jacques Bretel, les dames, les jeunes seigneurs et les ménestrels réunis à Chauvenci rendirent visite aux chevaliers qui avaient été blessés au tournoi pendant la journée, et qui étaient tous réunis dans une même salle du château. Là, pour distraire les éclopés,


Et pour les navrés apaier
Qui sont foulé et mehaignié,


il prend fantaisie aux visiteurs d’organiser des danses. Ils

(a) Ramée.

  1. Romances et pastourelles, publiées par K. Bartsch, I. 72.
  2. Guillaume de Dole, V. 2505.
  3. Ed. Delmotte, p. 160 ss.
  4. Entre Stenay et Montmédy (Meuse).