Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chorégraphie aurait grand besoin d’être renouvelée. Je ne dirai pas qu’elle se traîne, mais qu’elle se trémousse sur des chemins battus depuis trop longtemps. Il existe des formules, des clichés du ballet ainsi que de l’opéra, et les jambes ont leur routine aussi.

Elles ont également leurs exigences, comme les voix, peut-être plus que les voix, et de trois collaborateurs : poète, musicien, chorégraphe, on assure que le dernier commande aux deux autres, quand il leur devrait obéir. Il arrive alors que la danse non seulement contraint la musique, mais la contrarie, et que, par exemple, dans le troisième acte du Freischütz, danseurs et danseuses de l’Opéra dansent tout, aux sons de l’Invitation à la valse, une valse exceptée.

Tout cela rend plus malaisée au compositeur de ballet une tâche déjà difficile. Obligé de donner dans sa musique la première place aux rythmes de danse, n’a-t-il pas en effet toujours à craindre d’être vulgaire, si, naturellement et par définition même, il y a déjà quelque chose de trivial dans les rythmes qu’on appelle dansans.

M. Busser a parfois évité cet écueil. Le premier tableau de la Ronde des Saisons contient plus d’un motif agréable, agréablement traité. Le reste de l’ouvrage est plus gros. Trop lourdes, et comme sommaires, les trois scènes du Printemps, de l’Été, de l’Automne, ont aussi le tort de se trop ressembler. Il y eût fallu plus d’abondance et de variété. Mais ce qu’il fallait surtout, c’est finir d’une autre manière, et précisément de la manière opposée. Le ballet s’achève à contresens, et voici pourquoi. M. Busser a fait le plus bruyant possible un effet de neige, celui qui, dans la nature, est de tous les effets le plus silencieux. Pour figurer cette mort, et cette sépulture, les sons devaient s’amortir et s’étouffer de plus en plus. Voilà par quel dénouement (con sordini), par quel juste et fin rapport entre la musique et le paysage, l’art autant que la vérité commandait de conclure. C’est dommage que M. Busser n’y ait pas songé ; car il n’était pas incapable d’y réussir.


Je me souviens à peine de Miarka. Je me rappelle seulement une petite fille de Bohême, recueillie avec sa grand’mère par un ménage de braves gens, demi-bourgeois et paysans à demi. Mais quinze ans de bienfaits ne purent attendrir, encore moins attacher le cœur de l’aïeule farouche. Elle élevait l’enfant parmi les récits et les chansons de Bohême, dans l’amour de sa mystérieuse patrie, dans l’espoir enfin et dans l’attente de la royauté que les livres sacrés, et secrets, avaient promise à sa jeunesse. Un jour, cédant au génie, ou au démon, de leur race, la Vougne (c’était le nom de la grand’mère) s’enfuit avec