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derrières. Aussitôt après avoir fait expédier cet ordre, Napoléon reçut des renseignemens qui lui firent craindre que Ney ne se laissât attarder aux Quatre-Bras ; il se décida, d’après Lettow, à faire exécuter par le corps d’Erlon seul le mouvement de tomber sur le flanc et les derrières des Prussiens : « L’ordre fut envoyé immédiatement à d’Erlon ; mais Ney devait être prévenu de cette disposition un quart d’heure après. »

Vers cinq heures, au moment où Napoléon se préparait à faire commencer l’attaque décisive sur Ligny, il reçut de Vandamme la nouvelle qu’une colonne ennemie débouchait des bois, à une lieue de son flanc gauche, et paraissait se porter sur Fleurus. Napoléon suspendit l’attaque décisive, et envoya un officier reconnaître cette colonne.

« On a cherché à expliquer[1] l’attitude d’expectative de l’Empereur. Il est particulièrement étonnant qu’il n’ait pas pris les dispositions convenables pour remédier à un incident se passant si près de lui. S’il avait fait diriger le corps d’Erlon sur Wagnelée, les Prussiens auraient pu être attaqués sur leurs derrières et sur leur flanc ; l’intervention du corps d’Erlon aurait été moins efficace que s’il avait exécuté le mouvement prévu sur Brye ; mais elle aurait encore utilement contribué à la défaite de l’ennemi. M. Houssaye ne craint pas de dire que, dans cette circonstance, le chef, qui avait dirigé tant de batailles, fut déconcerté jusqu’au trouble, et que sa présence d’esprit habituelle l’abandonna. J’estime au contraire, ajoute Lettow, que c’est par un raisonnement serré que l’Empereur fut amené à croire qu’il devait être impossible à d’Erlon de se trouver si près de sa gauche, une demi-heure seulement après la réception de son ordre. »

Lettow refait ce raisonnement qui, à son avis, aurait été juste, si le corps d’Erlon avait suivi une seule route ; mais, prévenus directement par l’officier porteur de l’ordre de l’Empereur, les généraux de division ont dû faire déboîter séparément leurs têtes de colonne dans la direction indiquée, et ont pu gagner ainsi beaucoup de temps en marchant sur plusieurs colonnes.

D’un autre côté, le quartier impérial n’avait pas pu être prévenu à temps de l’arrivée du corps d’Erlon, parce que, après avoir fait déboîter les colonnes, l’officier porteur de l’ordre avait été

  1. Napoleons Untergang, p 332 et 333.