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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/481

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n’avons pas gagné grand’chose à sacrifier notre ministre des Affaires étrangères comme nous l’avons fait. Sans doute il aurait mieux valu, étant donné le prodigieux abus qu’on a fait contre nous de cette mission, que M. Delcassé eût communiqué l’arrangement du 8 avril 1904 aussitôt après sa conclusion ; mais quand la chancellerie impériale nous reproche si vivement de ne pas l’avoir fait et d’avoir manqué par là à un usage international universellement respecté, elle devrait se rappeler que l’Angleterre a agi comme nous, bien que personne n’ait songé à lui en faire un grief.

On lit dans une dépêche-circulaire de M. de Bülow en date du 12 avril 1903 : « Il est faux que l’arrangement franco-anglais concernant le Maroc ait été porté à la connaissance du gouvernement allemand par écrit ou de vive voix. M. Delcassé, sans doute, a donné à plusieurs reprises à l’ambassadeur impérial des indications de nature générale sur la situation intenable au Maroc et sur la nécessité qui en résultait pour la France de parer à la sûreté de la frontière algérienne. Mais quand, l’été dernier, longtemps après la convention anglo-française, l’ambassadeur d’Allemagne posa à M. Delcassé une question qui avait trait au contenu de cet arrangement, le ministre répondit seulement : « Vous trouverez tout cela dans le Livre Jaune. » Cette réponse étonne d’autant plus de la part de M. Delcassé que le texte de l’arrangement, — nous rougissons un peu de le rappeler si souvent, — avait été reproduit intégralement aussitôt après sa signature par les journaux du monde entier. Le chancelier impérial la connu tout de suite, non pas, il est vrai, par la voie officielle, mais par la publicité illimitée qui lui a été donnée, et sa première impression a été alors que les intérêts allemands n’en étaient nullement atteints. Il l’a dit au Reichstag en termes formels. La contradiction entre le langage d’autrefois et celui d’aujourd’hui est évidente. M. de Bülow cherche à l’expliquer dans cette dépêche même du 12 avril 1905 dont nous avons déjà reproduit un passage. « Le gouvernement allemand, y dit-il, ne bougea pas à ce moment parce qu’un article de la convention anglo-française prévoyait explicitement le statu quo. Nous pouvions donc nous en tenir à la supposition fondée que les puissances qui avaient des traités avec le Maroc seraient interrogées par la France au cas où cette puissance viserait au Maroc à des innovations qui seraient de nature à restreindre dans leur indépendance ou dans leur durée les droits acquis et les libertés des ressortissans d’autres États ayant aussi des traités. » Sans doute, l’Allemagne était fondée aie croire ; elle l’est toujours ; quand donc a-t-elle cessé de