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II

Au sujet des décisions prises après Ligny par les chefs des armées alliées, l’ouvrage du général von Lettow ne pouvait être que très intéressant. Napoleons Untergang est riche en renseignemens tirés des meilleures sources, comme en observations pleines de jugement et de sens militaire :

Malgré les marches et les contremarches du corps d’Erlon, l’armée prussienne fut bien et sérieusement battue le jour de Ligny. Au centre, sous les yeux de l’Empereur, devant l’attaque impétueuse, irrésistible, de la Garde impériale et des cuirassiers de Milhaud, la déroute des Prussiens fut complète ; elle impressionna vivement l’Empereur et le major général, qui durent croire la victoire plus complète encore qu’elle ne l’avait été réellement. En écrivant au ministre de la Guerre le lendemain de la bataille, le maréchal Soult lui annonça que « l’attaque de Ligny avait coupé l’ennemi en deux. Comme dans un coup de théâtre, en un clin d’œil, le feu cessa, l’ennemi se sauva en déroute dans toutes les directions. »

S’il avait fait jour une heure de plus, remarque Lettow, l’Empereur aurait eu une idée plus vraie de la situation exacte et des mouvemens de l’armée prussienne. En réalité, la retraite de l’armée battue se fit dans des conditions relativement bonnes, grâce à l’intervention active, énergique du haut commandement et de l’état-major prussien.

Lorsque, à la (in de la bataille, sous la brusque impulsion de Napoléon, la Garde impériale eut enlevé Ligny, « le vieux maréchal Blücher[1] accourut au grand galop de son superbe cheval gris et, le sabre à la main, se joignit à la charge du 6e ulhans, qui se portait à l’attaque. Malheureusement, on se heurta à l’infanterie française ; les salves éclatèrent ; une partie des officiers furent tués ou blessés. Le commandant du régiment, le célèbre Lutzow, l’entraîneur des francs-tireurs, tomba et fut fait prisonnier. Attaqués par les cuirassiers, les uhlans se replièrent. Le cheval gris du vieux maréchal fut renversé, et roula sur le héros de soixante-treize ans. »

Alors se passa autour du vieux chef de l’armée prussienne,

  1. Napoleons Untergang, p. 337.