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l’ordre relatif à la retraite sur Tilly ; et de lui indiquer qu’au cas où il ne pourrait pas prendre, immédiatement, cette direction, il aurait à se concentrer à Gembloux.

« La décision de Gneisenau ne fut rendue impraticable[1] que parce qu’on n’était plus maître des troupes, en raison de l’obscurité et des circonstances...

« ... Une grande partie des troupes, particulièrement celles qui avaient été chassées de Ligny, étaient désorganisées[2], in auflösung... On posta des officiers pour détourner vers Gembloux les masses qui s’écoulaient sur la voie romaine ; d’autres officiers, et parmi eux le colonel von Reiche, intervinrent pour forcer les bandes à s’arrêter et à se reformer par régiment. Il y eut de longues haltes, mais pas de bivouac d’armée. Gneisenau installa le quartier général à Millery ; et là seulement il apprit l’heureuse nouvelle de la présence du maréchal Blücher dans le village. Il le trouva dans une maison de paysans, couché sur la paille, souffrant beaucoup des suites de sa chute, mais ayant bon courage. »

Lettow s’élève contre « les assertions contenues dans certains rapports[3] (notamment ceux du Ier corps d’armée), qui cherchent à établir que la retraite s’est faite sans perdre l’aptitude au combat... Bien plus exact, dit-il, est le récit d’un officier supérieur, qui a écrit dans ses notes journalières : « Des troupes en désordre traversent toute la nuit le village (Millery), venant on ne sait d’où, allant on ne sait où. La dissolution était aussi grande que le soir d’Iéna, la nuit aussi noire. Mais le courage n’était pas abattu ; chacun cherchait les siens pour faire renaître l’ordre... »

« ... Le désordre des troupes qui traversent Millery, ajoute Lettow, ne tarda pas à montrer à l’état-major prussien la nécessité de chercher à régulariser la retraite. Le lieutenant von Wussow, de cet état-major, reçut la mission de courir jusqu’à la tête de colonne et de prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ordre dans la marche. L’obscurité, l’étroitesse du chemin, la poussée désordonnée des troupes, ne permirent pas à cet officier d’atteindre la tête de colonne avant la pointe du jour. Il y parvint seulement à Lauzelle (4 kilomètres au sud de Wavre).

  1. Napoleons Untergang, p. 338.
  2. Ibid., p. 343.
  3. Ibid., p. 373.