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« Gneisenau devait en être là de ses réflexions, lorsque, entre midi et deux heures, il écrivit le rapport, contenu dans l’annexe n° 11[1], d’où sont extraites les lignes suivantes :

« Le IVe corps vient d’être appelé ici, et n’arrivera probablement que demain matin. Le reste de l’armée se tient derrière la Dyle, un corps sur la rive droite... Wellington compte accepter la bataille à Waterloo, si nous voulons lui donner deux corps. Nous le pourrions si nous avions les munitions ; mais nous n’avons encore aucune nouvelle des colonnes de munitions des deux corps d’armée. Si nous les trouvons, nous accepterons les propositions du duc ; nous pousserons vers lui le corps de Bülow avec les bataillons intacts des autres corps d’armée ; et nous pourrons avec le restant manœuvrer avec des effectifs fictifs.

« Hier, la poursuite de l’ennemi n’a duré qu’une demi-heure. Nous devons en conclure qu’il est lui-même épuisé. La poursuite n’a pas encore recommencé ; le champ de bataille n’est occupé que par des vedettes.

« Quelles sont les entreprises que l’ennemi pourrait tenter ensuite ? peut-être gagner Liège ; marcher sur le Rhin pour attaquer de flanc les colonnes russes et menacer les opérations du prince Schwarzenberg ? Il ne paraît pas probable qu’il ait l’intention de se porter entre les places fortes de la Belgique et de la Hollande... »

Il est difficile, poursuit Lettow, de trouver dans ces apprécialions une suite d’idées bien claire... Et plus loin, il ajoute[2] « qu’il y a de quoi être profondément étonné de voir de pareilles idées germer dans la tête de Gneisenau, de celui qui pendant deux campagnes avait été opposé au grand maître de la Guerre (Napoléon). » Et il ne s’agit pas là de pensées fugitives jetées rapidement sur le papier. Immédiatement après, Gneisenau écrivit lui-même, dans le même sens, aux généraux Kleist, Dobschütz, aux commandans de Luxembourg et de Liège, pour leur donner des instructions en conséquence : « Le général Kleist devra, en cas de circonstances urgentes mais non probables, occuper et défendre Cologne... » On lui disait bien : « si l’ennemi, contre toutes les probabilités, voulait gagner en force le Rhin inférieur... » ; mais en même temps on l’invitait « à se mettre en mouvement avec les troupes voisines d’Arlon, et à se porter à

  1. Napoleons Untergang, p. 526.
  2. Ibid., p. 373.