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avant, irait dans l’Ouest à sa place. Quant à lui, tout en regrettant que les puissances n’eussent pu adopter les plans qu’on leur avait proposés, il se réjouissait de se rapprocher de son frère, d’être à portée de connaître ses intentions, de recevoir ses ordres et de pouvoir, par sa présence auprès des armées coalisées, rassurer les Français, « si les intentions des puissances étaient droites ou contrarier les vues de la cour de Vienne, si elles étaient toujours contraires. »

En dépit de ce langage, le Roi ne se méprit pas sur ce qu’il y avait de désobligeant pour lui dans la conduite de Monsieur. Il demeura convaincu que les offres dont lui parlait son frère n’étaient faites à ce prince que parce qu’il les avait provoquées, ne voulant pas aller en Bretagne. Ce fut aussi l’avis de d’Avaray. « Il est impossible, écrivait-il, d’être joué plus sensiblement que le Roi l’est en ce moment par son frère. » Cependant, si blessante que fût la duplicité de Monsieur et bien qu’elle ne s’expliquât que par la crainte de voir ses vues contrariées à Mitau, les offres du gouvernement britannique, promptement confirmées par une seconde lettre, témoignaient d’un trop favorable revirement de la part des puissances pour qu’il y eût lieu à des récriminations. Malgré tout, le Roi « enchaîné à Mitau » ne pouvait voir qu’avec une véritable satisfaction son lieutenant général devenir son précurseur auprès de ses sujets, et « se présenter à eux à la tête d’une armée amie. » L’activité, authentiquement donnée par les alliés au lieutenant général du royaume, à l’héritier présomptif de la couronne, était une preuve positive de leur dessein de rétablir la monarchie, et c’était un grand pas vers la reconnaissance du Roi.

« Je pensai, écrit encore d’Avaray, que le Roi ne devait témoigner aucune humeur à son frère, ni de se voir prendre une place que Sa Majesté s’était réservée pour elle-même, ni de la conduite mystérieuse qu’il avait tenue dans cette occasion, mais, qu’en même temps, il ne devait pas paraître avoir été sa dupe et qu’en lui faisant sur sa dissimulation des reproches dictés par l’amitié, il fallait lui dire que depuis longtemps ses démarches étaient connues et lui témoigner cependant sa satisfaction du parti que le ministère britannique avait embrassé. »

La réponse du Roi nous prouve que, tout en suivant le conseil de d’Avaray, il entendait éviter ce dont aurait pu se choquer son frère. C’est à peine il donne à entendre qu’il a eu vent de