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devez aller, mais droit à Paris de Mitau, si la Providence daigne le permettre. » Ainsi de toute cette affaire, ne restait au Roi que le souvenir douloureux d’un mauvais procédé de Monsieur, dont seules sa modération, sa sagesse avaient prévenu les suites. Ce n’était pas le premier, on l’a vu ; ce ne devait pas être le dernier.

Au mois de juillet de cette année 1799, quelques semaines après le mariage de la fille de Louis XVI avec le Duc d’Angoulême, la maison royale à Mitau était profondément troublée par la méchante humeur de la Reine. Quinteuse, fantasque, déséquilibrée, ainsi que le démontre la volumineuse correspondance à laquelle donnaient lieu ses lubies et ses caprices, cette princesse arrivée en Courlande à la veille du mariage de sa nièce ne pardonnait pas à son mari d’avoir [éloigné d’elle sa lectrice Mme de Gourbillon, dont il jugeait l’influence sur elle nuisible à sa dignité. Après avoir vainement prié et supplié la Reine, au moment où elle allait se mettre en route pour Mitau, de ne pas amener cette femme avec elle, le Roi, devant une obstination maladive, encouragée par Mme de Gourbillon elle-même, s’était décidé à user de rigueur. Le soir même de l’arrivée de la Reine, la lectrice avait été arrêtée aux portes de Mitau par les autorités russes, et renvoyée dès le lendemain, dans une bourgade sur la frontière prussienne, où elle devait rester internée. La Reine, après avoir vainement uni ses protestations à celles de Mme de Gourbillon, contint son ressentiment pendant les cérémonies du mariage. Mais, bientôt après, elle le manifestait, en affectant de ne plus adresser la parole à son mari et au comte d’Avaray, ni aux personnes de l’intimité du Roi. En même temps, ayant eu l’occasion d’écrire au Comte d’Artois son beau-frère, elle se plaignit amèrement des avanies dont elle se prétendait l’objet.

En lui répondant, Monsieur commit la faute de lui donner raison et de donner tort à son frère. Il était au désespoir, disait-il, de le voir « faire pareille école, » observation d’autant plus déplacée qu’il ne savait rien des motifs qui avaient déterminé la conduite du Roi. La Reine ne manqua pas de faire lire cette lettre autour d’elle. L’un de ceux à qui elle l’avait communiquée en parla à d’Avaray et celui-ci à son maître, « envers qui, observait-il, Monsieur ne cesse d’aggraver ses torts. » Le Roi avait pris son parti de l’incroyable humeur de la Reine. « Quand il a