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« carbonate de soude, » de « cristaux de soude. » Fréquemment aussi on se sert dans le commerce de la dénomination parfaitement erronée de potasse ; et, en effet, la potasse pourrait remplacer la soude dans la plupart de ses usages, n’était son prix assez élevé.

On apprit également de bonne heure à « raffiner » la soude brute, c’est-à-dire à la purifier, et les chimistes s’aperçurent encore que les propriétés corrosives de la soude raffinée s’exaltaient au contact de la chaux éteinte. C’est ce qu’on appelle « caustifier » en industrie. Suivant les théories de la chimie moderne, cette soude raffinée constitue du « carbonate de sodium » qu’on peut envisager comme une combinaison d’acide carbonique et d’oxyde de sodium, la « soude caustique » ou alcali est de l’« hydrate de sodium, » autrement dit une copulation de l’eau avec ce même oxyde. Vieux préjugé contraire à la vraie philosophie naturelle, et condamné aujourd’hui, l’hypothèse dualistique facilite quelquefois la clarté du langage et des expositions, et c’est pourquoi nous venons de l’employer. L’eau de l’hydrate sodique ne joue d’ailleurs aucun rôle et l’acide carbonique n’en remplit qu’un très effacé aussi ; néanmoins, il tempère un peu la violence de l’alcali.

A proprement parler, l’alcali ne nettoie pas ; il brûle tout ; de là son appellation de caustique. Le carbonate, lui, détache bien, mais corrode un peu trop énergiquement encore. Nos ancêtres s’aperçurent qu’en faisant cuire l’alcali caustique avec de l’huile ou un corps gras quelconque, il résultait du mélange de ces deux liquides une sorte de pâte, assez soluble dans l’eau froide, mieux encore dans l’eau chaude, et qui jouissait du privilège de déterger parfaitement les étoffes sans les brûler. Le savon était trouvé. Il lave comme sel alcalin, comme dissolvant des matières grasses, résinoïdes, colloïdes, comme lubrifiant, qui oint et détache les corps étrangers insolubles.

Nous ne saurions dire dans quelle ville prit naissance l’industrie de la préparation de cette pâte, mais, à coup sûr, ce fut sur les bords de la Méditerranée, et cela d’autant plus que l’usage du coton venait d’Orient. Aussi, pour fabriquer le savon, fit-on emploi du corps gras le plus répandu alors dans la région, c’est-à-dire d’huile d’olive de qualité inférieure. Quant à la soude brute et impure, ultérieurement raffinée et caustifiée, on la tirait des plantes marines croissant sur les terrains salés