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oublier que le savon préparé suivant les règles en contient déjà beaucoup. Seulement, comme cet excès d’eau ramollit par trop la marchandise, le sophisticateur pour lui redonner de la consistance est obligé de la surcharger de matières inertes et dures, en sorte que la fraude se double. Ainsi M. Milliau, le directeur du laboratoire officiel des huiles et corps gras du ministère de l’Agriculture et dont le nom jouit d’une notoriété universelle en matière d’adipologie, a analysé un jour un échantillon de soi-disant savon qui contenait tout juste 5 pour 100 de matière utile. Autant vaudrait presque, remarquait devant nous ce chimiste, nettoyer du linge avec des morceaux de pierre à bâtir.

Au contraire, après dessiccation à l’étuve, un savon honnêtement fabriqué ne doit pas diminuer de plus du tiers de son poids par l’humidité perdue, et de même les meilleurs produits de Marseille ne donnent pas au-delà d’un ou deux dixièmes de parties fixes étrangères, quelquefois moins. Chose curieuse, cette minime dose de « non-savon » renferme des élémens extrêmement disparates : du sel marin, des carbonate et sulfate de soude, des traces d’alcali caustique Tous ces résidus sont solubles, et il en est de même des traces de glycérine enrobées dans la masse. Quant aux produits d’addition non susceptibles d’agir en bien ou en mal, ils s’offrent nombreux au fraudeur qui, pour charger son savon, a le choix entre le talc, le kaolin, la baryte, la craie, le plâtre, la fécule…

Parmi ces corps dont l’analyse chimique élémentaire permet de reconnaître la présence, le talc mérite une mention à part. Bien entendu, il ne saurait nettoyer ; mais, gras et onctueux par sa nature, il s’incorpore à merveille au savon sans en trop modifier les caractères extérieurs et sans nuire aux propriétés détersives. Ce n’est qu’une simple « charge. » La résine, qui figure largement dans les savons falsifiés ou secondaires, exerce une action différente, car elle ne joue pas, comme le talc, un rôle purement inerte ; elle engendre avec les alcalis des résinâtes, capables d’absorber les corps gras, solubles dans l’eau pure, et même dans les eaux salées, calcaires ou magnésiennes. On sait que ces liquides minéralisés constituent la seule ressource disponible en eaux ménagères dans certains pays d’Afrique, comme l’Algérie, ou de l’Amérique, comme les États-Unis : aussi les savons résineux sont-ils souvent recherchés, et c’est en vue de