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présente cette particularité curieuse que les procédés adoptés dès le début pour le climat de Paris ont été modifiés en vue de se plier aux exigences de la chaleur du Midi et que l’industrie de la stéarinerie marseillaise se relie directement à celle connexe de la savonnerie. Seulement, de mille paquets qu’elle livrait par jour il y a soixante-dix ans, la maison est arrivée à en lancer quotidiennement cent quarante mille. Un beau progrès, on le voit !

Comme l’humble chandelle, sa devancière, la bougie a pour matière première le suif ou graisse animale de provenance indigène, associée avec l’huile de palme importée. Mais avant d’épurer ces produits bruts en les soumettant à une transformation radicale, on les ramollit par la chaleur pour accroître leur fluidité et on les entasse dans d’énormes réservoirs cylindriques de tôle. La première opération, et après tout la plus essentielle, consiste à saponifier, c’est-à-dire, comme nous l’avons déjà expliqué, à dédoubler le corps gras en glycérine et acide gras. Mais si les procédés de saponification ne manquent pas, comme en témoigne l’inspection des livres de chimie organique, la poursuite de solutions du problème parfaitement satisfaisantes au double point de vue pratique et économique a épuisé l’imagination des manufacturiers. Cependant leur tâche s’est trouvée simplifiée lorsque les théoriciens découvrirent que certains phénomènes chimiques évolués en vase clos sont influencés par un excès de pression, soit que l’effet même de cette pression entrave la décomposition des substances, soit plutôt parce qu’elle permet de maintenir, tout en élevant la température, les matières sous forme liquide, qui, mieux que l’état solide, favorise le contact et le parfait mélange des molécules à combiner.

Donc l’eau, les corps gras et une petite quantité relative de chaux emprisonnés dans d’immenses autoclaves en cuivre, subissent une cuisson sous la pression énorme de douze atmosphères[1]. Il se forme des acides gras libres, une petite quantité seulement de ces acides étant saturée par la chaux, et aussi de la glycérine, non mélangée de sel comme celle des savonneries. Saturés ou non, les acides gras sont insolubles et surnagent à l’eau glycérinée ; ils peuvent donc être séparés de celle-ci sans difficulté. On concentre à chaud dans le vide le mélange de

  1. C’est la pression qui règne dans une masse d’eau à 120 mètres de profondeur (12 kilogrammes par centimètre carré).