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adversaires l’ont poursuivi à coups de canne et de parapluie. Le fils de lord Salisbury, lord Hugh Cecil, un des orateurs les plus originaux et les plus sincères du dernier parlement, qui a voulu rester à la fois libre-échangiste et tory, est attaqué avec fureur par ses anciens amis. À Shrewsbury, Campbell Bannerman n’a pu se faire écouter : on a noyé ses paroles avec des chants et des cris de : Joe is coming. Mêmes scènes, à Leamington, où M. Lloyd George était venu soutenir une candidature libérale. La canaille de Birmingham était là en force ; car elle ne se contente pas de protéger la cité sainte de M. Chamberlain, la Mecque du nouveau Mahomet (comme disait lord Hugh Cecil) contre la profanation et la souillure d’un meeting libéral ; elle se transporte, par train, partout où l’on a besoin de ses services. Aux frais de qui ? Il serait peut-être indiscret de le demander.

La fièvre gagne même ceux qui, d’ordinaire, sont étrangers à la politique. M. George Meredith écrit à M. Somerset une lettre évidemment destinée à la publication. Il y compare, un peu longuement, M. Chamberlain à un automobile qui va droit à son but sans s’inquiéter des gens qu’il écrase. Peut-être n’était-il pas absolument nécessaire de tremper dans l’encrier la fine plume qui a écrit the Egoïst et Sandra Belloni pour gratifier le public de cette métaphore.

Les femmes s’en mêlent aussi. Lady Henry Somerset, un des champions les plus distingués des droits féminins, est venue à Croydon soutenir de sa parole la candidature de son fils. La comtesse de Warwick, la seconde de ces cinq charmantes sœurs dont l’aînée est la duchesse de Sutherland, parlait hier à Northampton en faveur de Jack Williams, un des coryphées du Labour party. La duchesse de Sutherland n’est que démocrate : la comtesse de Warwick va jusqu’au socialisme. Elle se plaint beaucoup des reporters qui, au lieu de reproduire ses discours, décrivent ses toilettes. « Il faut pourtant bien, dit-elle, que je m’habille d’une façon quelconque. » Et les journaux, qui nous redisent cette plainte touchante, n’oublient pas d’ajouter qu’elle porte une délicieuse robe bleue à boutons d’or. Cela est cruel ; mais il est si difficile de ne pas être frappé du contraste que présente cette jolie femme, si bien mise, au milieu de tous ces hommes aux mains calleuses et aux habits négligés !

12 janvier. — M. Nettlefold, qui a été un des collaborateurs