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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/843

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procédé de devoir et de délicatesse envers l’impératrice douairière et le nouvel empereur lui-même[1].

Au moment où le Roi exprimait en ces termes sa gratitude au Comte d’Artois, ce prince allait recevoir la réponse du cabinet britannique. Cinq mille livres sterling étaient mis immédiatement à la disposition de Louis XVIII ; en outre, « il pouvait compter jusqu’à des temps plus heureux sur une avance annuelle de six mille, » c’est-à-dire égale à celle que recevait son frère. Il ne paraît pas que ce secours eût été accordé de bonne grâce. L’entretien auquel il donna lieu entre le ministre anglais lord Hawkesbury et le baron de Roll, représentant du Comte d’Artois, révèle un peu d’impatience de la part du prêteur, qui trouve peut-être qu’on recourt bien souvent à lui et une certaine aigreur chez l’obligé qui s’étonne que, dans la cruelle position du Roi, on fasse si peu pour lui venir en aide. Il est vrai que le baron de Roll était un pauvre diplomate, impertinent, dépourvu de tact, — il ne l’avait que trop prouvé en 1796 lors de sa mission auprès du Duc d’Orléans, — et il se peut bien que la forme donnée à ses exigences ait blessé lord Hawkesbury.

Tel qu’il était cependant, ce subside que le Comte d’Artois tenait « pour bien médiocre, » grossissait sensiblement les revenus de son frère, lui permettait de rétablir les traitemens supprimés, de venir de nouveau en aide à des serviteurs fidèles et malheureux et « d’avoir toujours une somme devant lui pour subvenir à des besoins urgens. » Quant à ses anciens gardes du corps dont la détresse lui causait depuis trois mois de cruels soucis, le gouvernement anglais venait de pourvoir à leur existence, en leur accordant des pensions modestes, mais suffisantes. Ce qui était fait pour eux fit oublier au Roi la modicité de ce qui était fait pour lui. « Les bienfaits répandus sur ces respectables vétérans me touchent bien plus que ceux dont je suis moi-même l’objet. » En ce qui le concernait, il ajoutait : « Le Roi d’Angleterre a fait pour moi ce qu’il a jugé à propos et, quoique le secours qu’il m’a accordé soit bien inférieur à mes besoins, ce n’est pas à la reconnaissance à calculer la libéralité. »

Mais, ce dont il était surtout touché, c’était de la conduite de son frère en ces circonstances. Le souvenir ne devait plus s’en effacer dans son cœur. Leur correspondance dès ce moment

  1. La vente fut arrêtée et la Duchesse d’Angoulême rentra en possession de son collier après que le traitement de Russie eut été rétabli.